Figure 01 –
Monnayage punique – Shekel en argent ; 213-210 av. JC ; 6,1 g – Face :
portrait dont l’attribution est plausible à Hannibal alors que la plupart des
références* numismatiques l’attribuent à la divinité phénicienne Melqart. –
Revers : éléphant évoquant la traversée des Alpes par Hannibal et la défaite
des romains à Cannes en 2016 av. JC ; lettre punique.
L’honorable maison «Numismatica
Genevensis SA» a mis aux enchères le 28.11.2012 à Genève un superbe shekel
punique en argent de 6.1 grammes dont on ne connait que quelques rares exemplaires.
Une magnifique monnaie
reflétant la prouesse artistique de la gravure : une œuvre d’art d’importance
historique par son évocation de la bataille de Cannes et la défaite des romains
contre les carthaginois.
La lettre punique au revers
à l’exergue de l’éléphant, renforce l’attribution carthaginoise de la monnaie.
Le poids en argent confirme qu’il s’agit d’un shekel punique daté aux alentours
de 213-210 avant J.C. C’est-à-dire après la traversée des Alpes par les
éléphants d’Hannibal et son éclatante victoire sur les romains.
Néanmoins, l’interrogation
demeure toujours posée pour l’attribution du portrait de la monnaie. Les
experts l’ont de tout temps attribué à une divinité, en l’occurrence Melquart, le
dieu Phénicien des puniques.
A propos de cette
attribution, voilà ce qu’en pense la maison « Numismatica Genevensis SA» dans
sa présentation de la monnaie:
« Le portait
lauré de l’avers est traditionnellement décrit comme celui de Triptolème ou
d’Hercule-Melqart*, la divinité importée de Tyr par les colons phéniciens
fondateurs de Carthage. Les traits réalistes et la présence de favoris font
cependant penser que l’on est ici en présence du portrait d’un des membres de
la famille d’Hamilcar Barca. Si l’absence de représentation contemporaine ne
permet pas une attribution certaine, le choix d’Hannibal comme modèle est
parfaitement plausible, ce qui ferait de cette monnaie le seul véritable
portrait du célèbre général ».
L’attribution de divinités
sur la face des monnaies antiques a perduré jusqu’à environ deux siècles avant
J.C.
Ce sera Alexandre le grand
et son lieutenant Ptolémée 1er qui vont oser les premiers défier les
dieux et faire figurer leurs portraits sur les monnaies grecques.
Ils ont été suivis par les chefs Numides tels que Syphax ou Massinissa.
Figure 02 – Monnayage
numide – Face : portrait de Syfax, chef de la tribu Massyle ; période
210 av. JC – Revers : cavalier galopant à gauche, inscription de Syfax - Réf.
Collection Bouchereau (Vente Drouot 2014). [Obs : rare monnaie en cuivre de
diamètre environ 25 mm et de poids 8g]
Pour les romains, il fallait
attendre l’avènement de César et de Pompée pour voir apparaitre leurs portraits
sur des monnaies romaines, c’est-à-dire une cinquantaine d’années avant J.C.
En Afrique du nord, la
Numidie, voisine de Carthage mais « proche alliée» de la Grèce, émettait
déjà le portrait du roi Syfax, chef de la tribu Massyle, sur son monnayage de
la période 210 avant J.C.
Que dire alors des chefs carthaginois
qui ont défrayé la chronique des guerres puniques, à commencer par Hamilcar,
Hasdrubal ou Hannibal ?
La littérature numismatique actuelle
ne veut toujours pas reconnaitre leurs portraits sur le monnayage punique.
En réalité, les romains,
hégémoniques, grands vainqueurs des Grecs puis des Puniques, ont appliqué la
politique de gommage de l’histoire de l’ensemble de leurs adversaires. A commencer
par la destruction de leurs bibliothèques et/ou la falsification de preuves
historiques pour qu’il ne reste que peu de traces de ces grandes civilisations
adverses.
Le constat actuel est que
les experts en numismatique ont admis tout ce que les romains ont voulu leur
laisser. Les portraits sur le monnayage de la Numidie alliée de Rome ont été
attribués aux chefs numides Syfax ou Massinissa pour perpétuer leur Histoire.
Par contre, les portraits sur le monnayage de Carthage, éternelle rivale de
Rome, ont été attribués aux divinités locales plutôt qu’à leurs chefs pour les
faire oublier, gommer leur Histoire.
L’essentiel de cette
politique de gommage romaine est de mettre aux oubliettes les grands chefs
adverses tels qu’Hannibal. Si cela se comprend pour les rapporteurs romains de
l’antiquité, cela ne se comprend pas pour les experts numismates contemporains
qui continuent à reprendre les mêmes attributions erronées pour des
considérations politiques aux dépens de la nécessité historique.
C’est dans ce cadre que la
maison «Numismatica Genevensis SA» est à saluer pour son initiative de
revisiter l’attribution de cette très belle monnaie carthaginoise dont le
portrait pourrait être attribué au Grand Hannibal et non pas à la divinité
punique Melquart comme relaté dans la plupart des références*.
Il est fort curieux de
constater l’absence totale dans les livres et catalogues numismatiques de
portraits attribués à Hannibal et d’autres grands chefs puniques et libyques
contemporains de Syfax ou de Massinissa. C’est comme si les experts numismates
se sont accordés à poursuivre le déni des romains et des grecs à l’encontre des
Carthaginois et des Libyques.
Mise à prix à 50 000 CHF,
cette superbe monnaie punique à la gravure d’art a été acquise en 2012 (lot 298)
pour la somme record de 65 000 CHF.
A travers cette monnaie
historique mémorable et plausible d’Hannibal, il y a lieu de revisiter
l’ensemble des monnaies des peuples Puniques, Libyques et Numides de l’Afrique
du nord dont les attributions* ont été réalisées à la va vite. Avec le préjugé
antique des grecs et des romains pour qui, ces peuples, notamment les Libyques
(Gétules, Nasamons, Garamantes …), sont des tribus sauvages désignées «Barbares»
par Hérodote, incapables de gestion étatique et de frappe monétaire.
* Müller III, 34, 43 (Jugurtha); Mazard 73 (Jugurtha); Robinson
Essays Mattingly p. 43, Serie 8 et pl. III, 8 a; Villaronga Tanger Hoard 91-95;
Burnett Enna, 114-115.
Monhel
ARTmedina-tounes
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