mardi 30 juin 2015

Patrimoine de Tunisie - Pratiques ethniques - Le Harkous, le Wshem et le Henné.

Ci-après, la mise à jour d’un article publié sur mon blog en 2009, puis retiré en 2013.

Le peintre orientaliste russe Alexandre Roubtzoff, tunisien d’âme et de cœur, a légué au patrimoine multiethnique de Tunisie de magnifiques portraits de bédouines, si riches en informations culturelles, de portée identitaire.
Son portrait de la bédouine en train de recevoir le Harkous sur son visage regorge de maintes informations sur les pratiques de beauté des bédouines de Tunisie. Le bras étant magistralement tatoué par le Wshem(tatouage bédouin), ainsi qu'une partie du visage.

Fig.01- Partie d’une « Toile » d’Alexandre Roubtzoff * – Bédouines deTunisie en début du 20ème siècle – Pratique du Harkous sur le visage de la bédouine – Le produit Harkous de couleur noire, différent du Wshem de couleur verte, est étalé sur un ustensile en poterie, tenu par la main gauche de la praticienne de beauté – Le bras de la bédouine étant déjà tatoué par le Wshem – (Réf. ARTmédina-tounes .doc).

Si le Harkous est appliqué comme un produit adhérant à la peau à l'aide d'une «tige pinceau», le Wshem est appliqué dans la peau à l'aide d'une aiguille. Le Harkous de couleur noire partira au bout d'un certain temps, alors que le Wshem laissera son empreinte verte pâle éternellement.

Fig.02 – Partie d’une photo d'Ernest Gustave Gobert** - Application du Henné sur la main de la mariée - Scène se déroulant dans le patio d’une demeure tunisienne de la médina en début du 20ème siècle – La praticienne de beauté, de dos, est en train d’appliquer le Henné sur la main droite de la jeune citadine, reconnaissable de part ses habits « évolués » en design par rapport aux habits de la femme rurale et de la bédouine nomade de la même époque. Les deux femmes étant assisses sur un tapis de part le sol. En face, on aperçoit l’ustensile en poterie contenant le Henné, préparé auparavant par la praticienne selon sa propre formulation, héritée depuis de belles générations, comme c’est le cas pour le Harkous(teinture) et pour le Wshem (tatouage) – (Réf. ARTmédina-tounes .doc).
  
D'un groupe ethnique à l'autre, de la berbéro bédouine nomade à la citadine, en passant par la rurale sédentarisée, les pratiques de beauté se succèdent en s'innovant. Une fois sédentarisée, la bédouine rurale de Tunisie gardera la pratique du Harkous mais n'appliquera plus le Wshem qui dénote dorénavant une pratique de groupe rétrograde. Le Henné supplantera le Wshem selon la loi implacable de l'évolution des "groupes". Une loi variable à la sinusoïdale, puisque un siècle plus tard, le Wshem (tatouage) refait son apparition, cette fois ci, à la mode mondialiste.

Fig.03 – Partie d’une photo d'Ernest Gustave Gobert** - Henné et Harkous appliqués sur une main – (Réf. ARTmédina-tounes .doc).

La cérémonie du Henné se pratique dorénavant dans le Woust Dar (patio) à l'intérieur de la maison, en présence des membres du "groupe" qui ne ratent jamais une occasion pour festoyer et danser au son de la Darbouka.
Pour que le Henné adhère parfaitement à la peau, la main de la mariée est introduite dans une "poche à Henné". Bien enveloppé à une température stable, le Henné donnera à la main un éclat rayonnant. Les plus chanceuses des mariées, plutôt les plus fortunées, auront à leur disposition des poches à Henné tissées à la soie et brodées au fils d'argent.
Avant l'avènement des produits de beauté de synthèse chimique, les produits de beauté des groupes ethniques de Tunisie (de la bédouine nomade, à la femme rurale sédentarisée jusqu'à la citadine de la Médina) étaient des produits à base d'ingrédients naturels. Le Khol, poudre noircissante des yeux ; le Harkous, teinture de beauté noire ; le Henné, teinture rougeâtre de l'amour ; le Tfal, poudre de roche nettoyante des cheveux,... les parfums de rose, de jasmin... Chaque région se vantait de ses produits naturels. De multitudes de labels régionaux se sont ainsi imposés dans les souks, bien avant les appellations d'origine. Le Henné le plus réputé de Tunisie est cultivé dans la région de Gabès, aux portes du désert. Sa préparation répondant à un savoir faire transmis d'une génération à l'autre, permet d'aboutir à la couleur de « l'amour au naturel », une couleur vive, rouge brunâtre.

Monhel
ARTmédina-tounes
Copyright 

*Lire l'article sur Alexandre Roubtzoff, publié sur ARTmédina-tounes:
http://art-tounes.blogspot.com/

lundi 8 juin 2015

Timbres poste de Tunisie – Création et évolution - 1ère partie:1888 – 1926.

Le «one penny black»:1er timbre postal.

Le premier timbre postal date de 1840 et a été mis en service en Angleterre. Il a été inventé par Sir Rowland Hill, grand visionnaire, afin de faciliter les besoins de communication entre les pays à l’aube de la révolution industrielle. Il porte le profil de la jeune reine Victoria et restera célèbre par sa dénomination de «one penny black».

A la même époque, sous le règne du jeune et grand réformateur Ahmed 1er Bey, la Tunisie beylicale entamera la construction de la ligne télégraphique et verra en 1847 la première distribution postale, suite à l’ouverture à Tunis d’un bureau consulaire français faisant la liaison avec celui de la ville d’Annaba en Algérie française.

Le premier timbre postal tunisien sera symbolique de part sa gravure des armoiries du bey. Il sera émis suite à la création de «l’office tunisien des postes et des télégraphes» en 1888, c'est-à-dire, sept années après l’instauration du protectorat français en Tunisie.



Timbres de Tunisie - Gravure aux armoiries du bey (première émission en 1888) - (Réf. ARTmédina-tounes).

Il sera émis suite à la création de «l’office tunisien des postes et des télégraphes» en 1888, c'est-à-dire, sept années après l’instauration du protectorat français en Tunisie.
Dessiné par M. Casse, il ne comportera que des mentions en français, celles de «Régence de Tunis», de «Postes» et de la valeur monétique chiffrée. La première série du timbre aux armoiries sera émise le 1 juillet 1888 et correspond à huit valeurs monétaires de 1, 2, 5, 15, 25, 40, et 75 centimes, la dernière valeur étant de 5 francs. Les valeurs en centimes seront indiquées seulement en chiffres alors que la valeur en franc sera indiquée par le chiffre suivi de la lettre «F».
La deuxième gravure postale tunisienne sera émise en 1901 pour un timbre «taxe», en une série de huit valeurs monétaires. Auparavant, le timbre aux armoiries beylicales servait de taxe par oblitération avec des petits trous en forme de «T».
Timbres de Tunisie - Timbre «taxe» (première émission en 1901) - (Réf. ARTmédina-tounes).

Il faudra attendre l’année 1906 pour voir apparaître cinq nouvelles gravures postales, inspirées du patrimoine tunisien. Sur les quatre premières (la mosquée de Kairouan, les laboureurs, l’aqueduc romain de Zaghouan et la galère punique de Carthage) apparaîtront pour la première fois des mentions en arabe, les indicatifs RF de la république française ainsi que le croissant lunaire et son étoile:


Timbres de Tunisie - La mosquée de Kairouan (Réf. ARTmédina-tounes) 




Timbres de Tunisie - Les laboureurs 
(Réf. ARTmédina-tounes) 
Timbres de Tunisie - L’aqueduc romain de Zaghouan (Réf. ARTmédina-tounes) 
Timbres de Tunisie - La galère punique de Carthage (Réf. ARTmédina-tounes)
Sur ces timbres, la mention «Régence de Tunis» indiquée auparavant sur le premier timbre aux armoiries est remplacée par «Tunisie Postes», transcrite en français et en arabe. La traduction de «Tunisie postes» sera faite selon «Al Bousta Attounisia» 

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Le terme «Postes» a été traduit par «Al Bousta» qui est un terme d’origine dialectal tunisien alors que le juste terme en arabe «Al Barid» ne sera mentionné pour la première fois qu’en 1947:


Il est à noter que la gravure des laboureurs fait mention à l’étoile à six branches:

alors que sur les autres gravures figure l’étoile à cinq branches, symbolique du croissant lunaire des musulmans:




La cinquième et dernière gravure de 1906, dénommée "Le cavalier", introduira pour la première fois les termes de «Colis postaux»:
Timbres de Tunisie - Le cavalier arabe (Réf. Office de la poste tunisienne).

Il faudra attendre 1922 pour voir apparaître la 7ème nouvelle gravure postale relative aux «Ruines du capitole de Dougga», avec les mentions «Tunisie postes» en français et en arabe, le sigle RF et le croissant lunaire:

Timbres de Tunisie - Les ruines de Dougga (Réf. ARTmédina-tounes).

L’année 1923 verra l’émission de la 8ème gravure postale tunisienne, celle de « La statue de Carthage », correspondant au deuxième timbre taxe après celui apparu en 1901 (indiqué ci-dessus):
Timbres de Tunisie - La statue de Carthage (Réf. Office de la poste tunisienne) 

En 1926 apparaîtront cinq autres nouvelles gravures.

-La porteuse d’eau (Réf. Office de la poste tunisienne):

-La grande mosquée de Tunis (Réf. ARTmédina-tounes):


-La mosquée de Halfaouine (Réf. ARTmédina-tounes):





-L’amphithéâtre d’El Jem (Réf. Office de la poste tunisienne):

-La cueillette des dattes (Réf. Office de la poste tunisienne):

Monhel
ARTmédina-tounes
Collection privée (copyright)