Figure 01 -
Patrimoine de Tunisie – Site antique de Dougga – Mausolée Libyco-berbère d’une
hauteur de 21 mètres, restauré en 1910 par l’archéologue français M.Louis
Poinssot qui a pu, à force de détermination et de patience, reconstruire les
deux derniers étages de la pyramide du Mausolée à partir des pièces éparpillées
sur le sol. Pour sa restauration, M.L.Poinssot s’est référé à un rare dessin du
Mausolée établi en1765 par M.J.Bruce (01) – (Réf.ARTmedina-tounes)
Dans
le cadre de mes travaux de recherche relatifs à la lutte contre la
désertification, en concrétisation de l’un des axes du programme de travail de l’entreprise
APTEC-tounes*, j’ai abouti à une première classification de plantes et arbustes
ayant des capacités surprenantes pour la multiplication et la résistance aux
conditions climatiques extrêmes.
Figure 02 –
Plante grasse, résistante au manque d’eau et à la chaleur, ayant une forte
capacité de multiplication – (Réf.APTEC-tounes)
La
plus étonnante de ces plantes (figure 02)
m’a causé des difficultés d’identification, n’étant pas moi-même spécialiste en
la matière. Lors de son étude, le soir même, je découvre ébloui à travers un
documentaire TV, la passion des plantes et le penchant culturel et
archéologique de son Altesse royale, le prince Charles de Galles, héritier du
trône d’Angleterre. Je me suis dit que son Altesse est peut-être capable de
déterminer l’origine de ma plante, une simple plante grasse, censée freiner
l’avancement du désert. Le lendemain, mon intention d’importuner le prince
oubliée, j’ai vagué à mes préoccupations.
Mais
que vient faire ici le prince Charles de Galles et mes travaux sur les plantes,
avec le site antique de Dougga ?
C’est
la journée mondiale du patrimoine célébrée chaque 18 avril qui m’a curieusement
interpellé pour penser en même temps au site antique de Dougga et au prince
Charles en liaison avec la passion des plantes.
Figure 03 – Patrimoine de Tunisie – Dougga – Vestiges romains - Réf.
Photos: Unesco, G. Camps – (ARTmedina-tounes),
Ma
pensée au site de Dougga est liée au tort causé en 1842 par le Consul
d’Angleterre à Tunis, M.Thomas Read, qui a porté atteinte au Mausolée en arrachant ses inscriptions bilingues
Libyco-berbères et puniques, de haute valeur historique, aujourd’hui exposées au British Museum. Thomas Read, grand
navigateur aux ordres de la couronne britannique, est un personnage célèbre en
Angleterre et outre atlantique. En France, il est connu pour avoir eu le dessus
sur Napoléon Bonaparte et son isolement sur l’ile d’Elbe…En Tunisie, il est plutôt
connu, avec d’autres collègues et compatriotes, pour avoir
« dévalisé » les sites antiques de la régence. Son penchant pour
l’archéologie était son hobby favori qui l’a exercé en Tunisie durant sa
retraite dorée, en profitant de l’ouverture d’un Ahmed 1er Bey
(1837- 1855), grand réformateur et tolérant envers les religions, mais assez
naïf en face de loups qui ont conduit la régence directement dans leurs gueules
affamées et au protectorat français. Thomas Read aimait, tout de même, sa
Tunisie de cœur où il a été enterré en 1849 au cimetière de l’église anglicane
devant l’ancienne porte Carthagène de l’actuelle Hafsia à Tunis.
Figure 4 –
Patrimoine de Tunisie – Eglise anglicane construite en 1696 par le Bey Mouradite
Romdhane Bey pour enterrer sa mère Maria de confession protestante – réf.
Artmedina-tounes
Il
est à noter que l’espace de l’église anglicane a été reconstruit en 1901 par
les autorités françaises et que le cimetière a été transféré ailleurs. Contre l’oubli,
une plaque commémorative indiquant les noms de l’ensemble des tombes a été
dressée sur les murs de l’église.
Figure 05 -
Patrimoine de Tunisie – Site antique de Dougga – Mausolée Libyco-berbère en
l’état de 1842 (1) sous le règne d’Ahmed 1er Bey (1837-1855), avant
sa restauration en 1910 (1, 2) par l’archéologue français M.Louis Poinssot sous
les autorités du Protectorat français – (ARTmedina-tounes).
Après
le désastre de 1842 provoqué par le Consul britannique Thomas Read, ouvrant la
voie aux « vandales » de la place, le Mausolée fut restauré en 1910
par M. Louis Poinssot (1, 2). Le débat sur son originalité historique se
poursuit encore.
Figure 06 -
Dessin des deux derniers étages du Mausolée Libyque de Dougga avant leur
démolition, réalisé par le compte Camille Borgia (01).
En
1959, le fils de M. L. Poinssot, Claude, lui-même archéologue, révèle pour la
première fois des dessins inédits du Mausolée non portés à la connaissance de
son père, entrepris avant l’arrachage des inscriptions bilingues et la
démolition des deux étages supérieurs (1). Ces dessins ont été réalisés par le
comte Camille Borgia dont la famille a constitué une formidable collection de
pièces d’antiquités, aujourd’hui déposées au Musée de Borbonico à Naples, la
ville originaire des Borgia.
Il
révèle aussi que la restauration de son père s’est faite en référence à un
autre dessin du Mausolée original effectué en 1765 par M.J.Bruce (2). La
découverte des inscriptions bilingues Libyco-berbères du Mausolée étant faite
en 1631 par M.Thomas D’Arcos (2).
Loin
des débats stériles sur l’originalité historique du Mausolée Libyco-berbère de
Dougga, ce qui est à retenir est que la restauration dans son ensemble est
assez proche aux dessins de MM. J.Bruce et C.Borgia. Par contre, ce qu’il ne
faut pas oublier est que M. Louis Poinssot est redevable de reconnaissance et
d’estime pour son travail minutieux, car, sans sa restauration du Mausolée, le
patrimoine mondial aurait perdu un site Libyco-berbère unique en son genre, de
par ses inscriptions en double langue Libyco-berbère et punique.
Figure 07 –
British Museum – Inscriptions bilingues Libyco-berbères et punique gravées sur
la pierre arrachée du Mausolée de Dougga – Réf. ARTmédina-tounes
L’importance
des inscriptions Libyco-berbères arrachées par le consul britannique en 1842, réside dans le fait qu’elles soient bilingues, gravées dans la pierre en écritures Libyco-berbère
et punique. Ce qui a permis de déchiffrer pour la première fois 22 signes de
l’écriture Libyco-berbère qui demeure encore partiellement indéchiffrable.
Ces
écritures Libyco-berbères sont aussi importantes parce qu’elles représentent la
preuve matérielle que le peuple Libyco-berbère d’Afrique du nord a constitué
une civilisation de l’antiquité au sens des critères de la définition
universelle d’une civilisation, c’est-à-dire, un peuple maîtrisant une langue parlée
et écrite, en plus de la possession d’un lieu géographique. Au même titre que
les civilisations Grecques, Carthaginoises ou Romaines qui le considéraient comme un ensemble de tribus sauvages incapables de se gérer en Royaume-Etat, en balayant sa culture et en le poussant à l’oubli.
Figure 08 – Site
antique de Dougga - Char à quatre chevaux tirés par un Libyco-berbère gravé
dans la pierre du Mausolée - (ARTmedina-tounes)
Le
Char à quatre chevaux tirés par un Libyco-berbère gravé dans la pierre du
Mausolée de Dougga, que l’on retrouve également dans les vestiges
Libyco-berbères de la dorsale du Fezzan Libyen, témoigne que la civilisation
Libyco-berbère a atteint le même degré de développement que la civilisation
voisine des Pharaons d’Egypte, bien avant l’émergement des civilisations
Grecques, Carthaginoises et romaines.
Figure 09 – Peinture
de Char antique attribué à la civilisation Garamante, peuple libyco-berbère du
Sahara du Fezzan Libyque – (Réf. Gabriel Camps)
A
ce sujet, les grottes du Sahara regorgent de preuves, figures et inscriptions Libyco-berbères
témoignant du passage d’une civilisation ayant maîtrisé langue et écriture. En
fait, les Grecques, les Carthaginois et les Romains ont considéré les
survivants des peuples Libyco-berbères (Les Nasammons en Cyrénaïque, les
Garamantes à Jarma du Fezzan Libyque, les Gétules du désert Algérien) comme des
sauvages incapables de se gérer en Etat-royaume, en les gommant de leur
histoire rapportée et défigurée par les auteurs latins du début du millénaire.
Au
contraire des vestiges des Pharaons, la disparition brusque et presque totale
des vestiges des Libyco-berbères s’expliquerait par la tombée d’une météorite
dans le désert septentrionale, dont les traces de fragments sont encore
visibles dans le désert Libyque. Aussi dévastateurs, les Français colonisateurs
du 20ème siècle, par leur expériences d’explosions nucléaires dans
les grottes du désert Algérien, ont fait subir aux vestiges Libyco-berbères
autant de destruction que par la météorite du 3ème millénaire avant
JC, et sont, de ce fait, redevables d’excuses et de redevances morales et
matérielles pour le tort causé au patrimoine mondial, et pour les effets néfastes
du colonialisme envers les peuples de la place.
Du
tort causé par les colonialistes français à celui des anglais, il n’y a qu’un
petit pas à franchir et c’est ce qui m’amène à poser des questions au prince
Charles de Galles:
-.est-il
en mesure d’identifier l’origine de la plante en figure
02?
-
a-t-il des nouvelles sur la descendance du pur-sang arabe que le Bey Ahmed 1er
(1837-1855) a offert à son arrière-grand-mère, la reine Victoria d’Angleterre?
-.et
pour l’essentiel, lui demander, de citoyen tunisien à citoyen britannique, de
faire un humble geste pour concrétiser le
slogan de «Contre l’oubli» pour le tort causé au patrimoine de Tunisie par
son compatriote, un officiel britannique qui a dévasté le Mausolée
Libyco-berbère de Dougga du temps de sa grand-mère, la magnifique reine
Victoria.
Pour
ce faire, je l’invite, loin du protocole, à:
-visiter
le site antique de Dougga, classé par l’Unesco, le seul site qui témoigne, sur
le même lieu, de vestiges romains et Libyco-berbères. ,
-siroter
un thé à la menthe, non pas à Sidi Bou Saïd que j’ai délaissé depuis l’ère des
arrivistes de Ben Ali et leur atteinte au patrimoine, mais dans un quartier
modeste de la Medina de Tunis sous la brise d’une «Inba», un arbuste rampant à
raisin. Et pourquoi pas, discuter du retour en leur lieu d’origine, des
inscriptions Libyco-berbères «détenues» au Musée de Londres.
Enfin,
assez de rêveries.
Avant
de clore, je veux rappeler que le slogan originel de «Contre l’oubli» émane de M.
Jean Paul Barbier-Mueller, auquel j’ai consacré un autre article sur ce blog en
date du 01.05.2019, un artiste humanitaire, grand collectionneur, fondateur du «Musée
Barbier-Mueller» à Genève et de la «Fondation Barbier-Mueller pour la culture» dont
l’objet est de reconsidérer tous les groupes ethniques minoritaires oubliés et balayés
par l’histoire et de remettre en relief, contre l’oubli, leur culture, leur
mode de vie et coutumes.
Monhel
ARTmedina-tounes
Copyright
Références:
(1) Poinssot Claude, Salomonson Jan-Willem.=
Le mausolée libyco-punique de Dougga et les papiers du comte Borgia. In:
Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
103ᵉ année, N. 2, 1959. pp. 141-149;
doi
: https://doi.org/10.3406/crai.1959.11016
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1959_num_103_2_11016
.
(2) Chabot Jean-Baptiste = Les inscriptions puniques de Dougga. In: Comptes
rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 60ᵉ année,
N. 2, 1916. pp. 119-131;
Doi:https://doi.org/10.3406/crai.1916.73684 https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1916_num_60_2_73684
*APTEC-tounes
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire