vendredi 15 novembre 2019

Numismatique-tounes. Présentation




          Figure 01 – Régence de Tunis sous le protectorat français – Mohamed Ennaceur Bey (1906- 1921) - Monnaie de 2 Francs frappée en 1916, argent, 28mm – Réf. ARTmedina-tounes -.

D’après la définition de bon nombre de dictionnaires, la numismatique est la science qui traite de la description et de l’histoire des monnaies, médailles et jetons.
C’est dans cette optique scientifique que le service de Numismatique-tounes a vu le jour au sein de l’entreprise privée APTEC-tounes* créée en 2012 à la Medina de Tunis et dont les attributions sont la recherche et développement, l’innovation et les applications techniques dans les secteurs liés aux sciences, aux arts et à la culture.

 Figure 02 – République française – Médaille des évadés, bronze -Graveur : Dubois – Réf. ARTmedina-tounes -
NB : La médaille des évadés est une décoration militaire française, attribuée aux évadés français des lieux de détention ennemis depuis 1870. Créée le 20 août 1926, elle est décernée pour actes et tentatives d’évasion de militaires ou de civils pendant la guerre.
Numismatique-tounes se veut une vitrine culturelle pour la promotion de la numismatique et la redécouverte des monnaies, notamment celles de Tunisie, sous le double aspect de l’analyse scientifique et de l’histoire.
Figure 03 – Chambre de commerce de France – Jeton en bronze frappé en 1926 : « Bon pour 50 centimes » - Réf. ARTmedina-tounes -
Les domaines de la numismatique en Tunisie sont extrêmement vastes talonnant une riche histoire trois fois millénaire, depuis les libyco-berbères, les puniques, les romains, les vandales, les byzantins, les arabes, les ottomans et autres français.
Figure 04 – Monnaies puniques – Shekel en bronze de Carthage au palmier prospère – Réf. Anonyme web -
Tous ont laissé leurs empreintes historiques par le biais de leurs monnaies spécifiques, en plus des pièces archéologiques qui ont contribué à mieux entrevoir l’histoire de la Tunisie.
Figure 05 – Empire romain – Sesterce en bronze de Gordianus 3 (238- 244 JC), neveu de l’empereur Gordianus 1er (238 JC)  (gouverneur de la province de Carthage nommé empereur romain après la révolte de Thysdrus (El Djem en Tunisie) en 238 JC),  30mm - Réf. Anonyme web PLC 161-
Parmi les domaines de recherches entamés par Numismatique-tounes, figure celui de la régence des Beys de Tunis, intimement lié à la porte sublime ottomane depuis la prise victorieuse de Tunis par Sinan Pacha aux dépens des espagnols en 1574.
Figure 06 – Régence de Tunis sous les ottomans - 1 Ryal (Piastre) en billon frappé à Tunis en 1218 de l’Hégire (1804 JC) sous les périodes du Sultan Selim 3 et du Bey Hamouda 2 Pacha (1782- 1814), 34mm, 15.4g – Réf. ARTmedina-tounes
A première vue, lorsque l’on compare les dizaines, voire les milliers de publications relatives aux numismatiques grecques, romaines et autres civilisations qui ont perduré sur plus de 4 siècles, on constate que la numismatique de la régence de Tunis gouvernée par les deys, les beys Mouradites (16ème et 17ème siècles) et Husseinites (18ème, 19ème et 20ème siècles), a été très peu étudiée, voire délaissée.
Figure 07 – Monnaies d’Espagne – 2 Reaux en argent (1/4 Piastre espagnole),  5.6g, 2.3X2cm – Réf. Anonyme  web TND Clt 02 -
NB : la Piastre espagnole de 8 Reaux en argent et ses subdivisions, portant toutes la croix, ont circulé dans l’empire ottoman et dans la régence de Tunis depuis son annexion espagnole de Charles Quint en 1535 jusqu’à l’interdiction en 1714 par Hussein 1er Bey (1705- 1735).
Outre les publications de Abdelhamid Fenina en début du 21ème siècle sur les monnaies beylicales Mouradites, le tunisien qui nous en parle avant lui en 1990 avec une approche originale est Paul Sebag le… sociologue. Ce dernier nous dévoile ses talents de « numismate » dans un précieux article intitulé : « Les monnaies tunisiennes au 17ème siècle », publié dans la Revue du monde musulman et de la méditerranée en 1990.
Figure 08 – Monnaie d’Israël dont l’unité de compte du Shekel a remplacé en 1980 la livre israélienne. L’histoire du Shekel remonte à l’antiquité et était adopté par le royaume d’Israël. Il a été également adopté par les puniques à Carthage – Réf. ARTmedina-tounes-
Plus connu pour ses travaux de sociologie, le profil numismate de Paul Sebag étonnerait plus d’un, à coup sûr. Le «Tunes minoritaire», comme il se définissait lui-même, a milité pour l’indépendance de la Tunisie et, même résident en France après sa retraite, il se considérait comme «un patriote tunisien juif enraciné dans sa terre natale». Par cette occasion, Numismatique-tounes rend hommage à tous les Tunes minoritaires qui ont légué à la Tunisie un riche patrimoine culturel.
Figure 09 – Monnaie Américaine de 5 cents appelée « Buffalo Nickel » créée en 1913 par James Earle Fraser, écartée en 1938 et remplacée par la monnaie de 5 Cents appelée «  Jefferson Nickel » -. Réf. ARTmedina-tounes -
A côté du tunisien juif Paul Sebag, d’autres tunisiens chrétiens et musulmans ont enrichi le patrimoine numismatique des Beys de Tunisie. Le précurseur est certainement Farrugia De Candia d’origine Maltaise, qui a étudié et répertorié depuis 1935  l’ensemble des monnaies des Beys Mouradites et Husseinites. Le dernier à s’y investir corps et âme, déjà présenté, est Abdelhamid Fenina, grâce surtout à sa brillante thèse de doctorat publiée et éditée en 2003.
Ces trois exemples d’études numismatiques élaborées par des tunisiens de différentes confessions nous montrent encore une fois que le patrimoine culturel de Tunisie est un riche legs multiethnique, à sauvegarder et à promouvoir absolument.

Figure 10 – Nasri en argent de poids de 1.5g. Son écriture coufique l’identifie à la période Almohade (1147- 1266) dont l’émir Ennaceur a été à l’origine de sa création. L’écriture coufique créée dès la conquête islamique a décliné au profit de l’écriture du Naskh que l’on retrouve sur les Nasris Hafsides de Tunisie (1228- 1574). – Réf. Anonyme web -
Dans un prochain article, Numismatique-tounes présentera sa vitrine numismatique N° 01 sur les monnaies de Mohamed Lamine Bey (1943- 1957).
Monhel
ARTmedina-tounes
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Quelques références sur les monnaies Mouradites et Husseinites de Tunisie
-Farrugia De Candia
Il a été le premier numismate tunisien d’origine Maltaise à avoir rassemblé et répertorié l’ensemble des monnaies de la régence de Tunis entre Beys Mouradites et Husseinites. Ses travaux ont été globalement publiés dans la Revue Tunisienne à partir de 1935.
-H.Schweikert 
« Les monnaies tunisiennes depuis 1859. De l’avènement de  Mohamed Sadok Bey à la République Tunisienne », 1973, 80 pages- Ernst Battenberg Verlage-  Munich.
-Paul Sebag
« Les monnaies tunisiennes au 17ème siècle » - Revue du monde musulman et de la méditerranée, n°55 – 56, 1990, pp 203 – 218.
-Abdelhamid Fenina
 En 2003, Abdelhamid Fenina fait éditer ses travaux de doctorat assez remarquables sur les monnaies des beys Husseinites de Tunisie : « Les monnaies de la régence de Tunis sous les Husseinites, études de numismatique et d’histoire monétaire, 1705 -1891 » - Université de Tunis, faculté des sciences humaines et sociales, 2003, 456 pages, 12 planches.
-BCT : Banque centrale de Tunisie
En 2007, la Banque centrale de Tunisie (BCT) fait éditer une série de trois tomes, intitulée : « Numismatique et histoire de la monnaie en Tunisie ». Dans  le chapitre 6 du tome 2, consacré aux monnaies islamiques, A.Fenina traite les monnaies des Mouradites entre le 16ème et le 17ème siècle et dans le chapitre 7, il traite les monnaies des Husseinites entre le 18ème et le 19ème siècle. En annexe de cette série, figure le catalogue des monnaies de la BCT.
*APTEC-tounes

mardi 10 septembre 2019

Patrimoine de Tunisie contre l’oubli - Dougga - Inscriptions Libyco-berbères


Figure 01 - Patrimoine de Tunisie – Site antique de Dougga – Mausolée Libyco-berbère d’une hauteur de 21 mètres, restauré en 1910 par l’archéologue français M.Louis Poinssot qui a pu, à force de détermination et de patience, reconstruire les deux derniers étages de la pyramide du Mausolée à partir des pièces éparpillées sur le sol. Pour sa restauration, M.L.Poinssot s’est référé à un rare dessin du Mausolée établi en1765 par M.J.Bruce (01) – (Réf.ARTmedina-tounes)

Dans le cadre de mes travaux de recherche relatifs à la lutte contre la désertification, en concrétisation de l’un des axes du programme de travail de l’entreprise APTEC-tounes*, j’ai abouti à une première classification de plantes et arbustes ayant des capacités surprenantes pour la multiplication et la résistance aux conditions climatiques extrêmes.
Figure 02 – Plante grasse, résistante au manque d’eau et à la chaleur, ayant une forte capacité de multiplication – (Réf.APTEC-tounes)
La plus étonnante de ces plantes (figure 02) m’a causé des difficultés d’identification, n’étant pas moi-même spécialiste en la matière. Lors de son étude, le soir même, je découvre ébloui à travers un documentaire TV, la passion des plantes et le penchant culturel et archéologique de son Altesse royale, le prince Charles de Galles, héritier du trône d’Angleterre. Je me suis dit que son Altesse est peut-être capable de déterminer l’origine de ma plante, une simple plante grasse, censée freiner l’avancement du désert. Le lendemain, mon intention d’importuner le prince oubliée, j’ai vagué à mes préoccupations.
Mais que vient faire ici le prince Charles de Galles et mes travaux sur les plantes, avec le site antique de Dougga ?
C’est la journée mondiale du patrimoine célébrée chaque 18 avril qui m’a curieusement interpellé pour penser en même temps au site antique de Dougga et au prince Charles en liaison avec la passion des plantes.

Figure 03 – Patrimoine de Tunisie – Dougga – Vestiges romains - Réf. Photos: Unesco, G. Camps – (ARTmedina-tounes),
Ma pensée au site de Dougga est liée au tort causé en 1842 par le Consul d’Angleterre à Tunis, M.Thomas Read, qui a porté atteinte au Mausolée en arrachant ses inscriptions bilingues Libyco-berbères et puniques, de haute valeur historique, aujourd’hui exposées au British Museum. Thomas Read, grand navigateur aux ordres de la couronne britannique, est un personnage célèbre en Angleterre et outre atlantique. En France, il est connu pour avoir eu le dessus sur Napoléon Bonaparte et son isolement sur l’ile d’Elbe…En Tunisie, il est plutôt connu, avec d’autres collègues et compatriotes, pour avoir « dévalisé » les sites antiques de la régence. Son penchant pour l’archéologie était son hobby favori qui l’a exercé en Tunisie durant sa retraite dorée, en profitant de l’ouverture d’un Ahmed 1er Bey (1837- 1855), grand réformateur et tolérant envers les religions, mais assez naïf en face de loups qui ont conduit la régence directement dans leurs gueules affamées et au protectorat français. Thomas Read aimait, tout de même, sa Tunisie de cœur où il a été enterré en 1849 au cimetière de l’église anglicane devant l’ancienne porte Carthagène de l’actuelle Hafsia à Tunis.

Figure 4 – Patrimoine de Tunisie – Eglise anglicane construite en 1696 par le Bey Mouradite Romdhane Bey pour enterrer sa mère Maria de confession protestante – réf. Artmedina-tounes
Il est à noter que l’espace de l’église anglicane a été reconstruit en 1901 par les autorités françaises et que le cimetière a été transféré ailleurs. Contre l’oubli, une plaque commémorative indiquant les noms de l’ensemble des tombes a été dressée sur les murs de l’église.
Figure 05 - Patrimoine de Tunisie – Site antique de Dougga – Mausolée Libyco-berbère en l’état de 1842 (1) sous le règne d’Ahmed 1er Bey (1837-1855), avant sa restauration en 1910 (1, 2) par l’archéologue français M.Louis Poinssot sous les autorités du Protectorat français – (ARTmedina-tounes).
Après le désastre de 1842 provoqué par le Consul britannique Thomas Read, ouvrant la voie aux « vandales » de la place, le Mausolée fut restauré en 1910 par M. Louis Poinssot (1, 2). Le débat sur son originalité historique se poursuit encore.
Figure 06 - Dessin des deux derniers étages du Mausolée Libyque de Dougga avant leur démolition, réalisé par le compte Camille Borgia (01).
En 1959, le fils de M. L. Poinssot, Claude, lui-même archéologue, révèle pour la première fois des dessins inédits du Mausolée non portés à la connaissance de son père, entrepris avant l’arrachage des inscriptions bilingues et la démolition des deux étages supérieurs (1). Ces dessins ont été réalisés par le comte Camille Borgia dont la famille a constitué une formidable collection de pièces d’antiquités, aujourd’hui déposées au Musée de Borbonico à Naples, la ville originaire des Borgia.
Il révèle aussi que la restauration de son père s’est faite en référence à un autre dessin du Mausolée original effectué en 1765 par M.J.Bruce (2). La découverte des inscriptions bilingues Libyco-berbères du Mausolée étant faite en 1631 par M.Thomas D’Arcos (2).
Loin des débats stériles sur l’originalité historique du Mausolée Libyco-berbère de Dougga, ce qui est à retenir est que la restauration dans son ensemble est assez proche aux dessins de MM. J.Bruce et C.Borgia. Par contre, ce qu’il ne faut pas oublier est que M. Louis Poinssot est redevable de reconnaissance et d’estime pour son travail minutieux, car, sans sa restauration du Mausolée, le patrimoine mondial aurait perdu un site Libyco-berbère unique en son genre, de par ses inscriptions en double langue Libyco-berbère et punique.
Figure 07 – British Museum – Inscriptions bilingues Libyco-berbères et punique gravées sur la pierre arrachée du Mausolée de Dougga – Réf. ARTmédina-tounes
L’importance des inscriptions Libyco-berbères arrachées par le consul britannique en 1842, réside dans le fait qu’elles soient bilingues, gravées dans la pierre en écritures Libyco-berbère et punique. Ce qui a permis de déchiffrer pour la première fois 22 signes de l’écriture Libyco-berbère qui demeure encore partiellement indéchiffrable.
Ces écritures Libyco-berbères sont aussi importantes parce qu’elles représentent la preuve matérielle que le peuple Libyco-berbère d’Afrique du nord a constitué une civilisation de l’antiquité au sens des critères de la définition universelle d’une civilisation, c’est-à-dire, un peuple maîtrisant une langue parlée et écrite, en plus de la possession d’un lieu géographique. Au même titre que les civilisations Grecques, Carthaginoises ou Romaines qui le considéraient comme un ensemble de tribus sauvages incapables de se gérer en Royaume-Etat, en balayant sa culture et en le poussant à l’oubli.
Figure 08 – Site antique de Dougga - Char à quatre chevaux tirés par un Libyco-berbère gravé dans la pierre du Mausolée - (ARTmedina-tounes)
Le Char à quatre chevaux tirés par un Libyco-berbère gravé dans la pierre du Mausolée de Dougga, que l’on retrouve également dans les vestiges Libyco-berbères de la dorsale du Fezzan Libyen, témoigne que la civilisation Libyco-berbère a atteint le même degré de développement que la civilisation voisine des Pharaons d’Egypte, bien avant l’émergement des civilisations Grecques, Carthaginoises et romaines.
Figure 09 – Peinture de Char antique attribué à la civilisation Garamante, peuple libyco-berbère du Sahara du Fezzan Libyque – (Réf. Gabriel Camps)
A ce sujet, les grottes du Sahara regorgent de preuves, figures et inscriptions Libyco-berbères témoignant du passage d’une civilisation ayant maîtrisé langue et écriture. En fait, les Grecques, les Carthaginois et les Romains ont considéré les survivants des peuples Libyco-berbères (Les Nasammons en Cyrénaïque, les Garamantes à Jarma du Fezzan Libyque, les Gétules du désert Algérien) comme des sauvages incapables de se gérer en Etat-royaume, en les gommant de leur histoire rapportée et défigurée par les auteurs latins du début du millénaire.
Au contraire des vestiges des Pharaons, la disparition brusque et presque totale des vestiges des Libyco-berbères s’expliquerait par la tombée d’une météorite dans le désert septentrionale, dont les traces de fragments sont encore visibles dans le désert Libyque. Aussi dévastateurs, les Français colonisateurs du 20ème siècle, par leur expériences d’explosions nucléaires dans les grottes du désert Algérien, ont fait subir aux vestiges Libyco-berbères autant de destruction que par la météorite du 3ème millénaire avant JC, et sont, de ce fait, redevables d’excuses et de redevances morales et matérielles pour le tort causé au patrimoine mondial, et pour les effets néfastes du colonialisme envers les peuples de la place.
Du tort causé par les colonialistes français à celui des anglais, il n’y a qu’un petit pas à franchir et c’est ce qui m’amène à poser des questions au prince Charles de Galles:
-.est-il en mesure d’identifier l’origine de la plante en figure 02?
- a-t-il des nouvelles sur la descendance du pur-sang arabe que le Bey Ahmed 1er (1837-1855) a offert à son arrière-grand-mère, la reine Victoria d’Angleterre?
-.et pour l’essentiel, lui demander, de citoyen tunisien à citoyen britannique, de faire un humble geste pour concrétiser le slogan de «Contre l’oubli» pour le tort causé au patrimoine de Tunisie par son compatriote, un officiel britannique qui a dévasté le Mausolée Libyco-berbère de Dougga du temps de sa grand-mère, la magnifique reine Victoria.
Pour ce faire, je l’invite, loin du protocole, à:
-visiter le site antique de Dougga, classé par l’Unesco, le seul site qui témoigne, sur le même lieu, de vestiges romains et Libyco-berbères. ,
-siroter un thé à la menthe, non pas à Sidi Bou Saïd que j’ai délaissé depuis l’ère des arrivistes de Ben Ali et leur atteinte au patrimoine, mais dans un quartier modeste de la Medina de Tunis sous la brise d’une «Inba», un arbuste rampant à raisin. Et pourquoi pas, discuter du retour en leur lieu d’origine, des inscriptions Libyco-berbères «détenues» au Musée de Londres.
Enfin, assez de rêveries.
Avant de clore, je veux rappeler que le slogan originel de «Contre l’oubli» émane de M. Jean Paul Barbier-Mueller, auquel j’ai consacré un autre article sur ce blog en date du 01.05.2019, un artiste humanitaire, grand collectionneur, fondateur du «Musée Barbier-Mueller» à Genève et de la «Fondation Barbier-Mueller pour la culture» dont l’objet est de reconsidérer tous les groupes ethniques minoritaires oubliés et balayés par l’histoire et de remettre en relief, contre l’oubli, leur culture, leur mode de vie et coutumes.
Monhel
ARTmedina-tounes
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Références:
 (1) Poinssot Claude, Salomonson Jan-Willem.= Le mausolée libyco-punique de Dougga et les papiers du comte Borgia. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 103ᵉ année, N. 2, 1959. pp. 141-149;
doi : https://doi.org/10.3406/crai.1959.11016 
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1959_num_103_2_11016 
. (2) Chabot Jean-Baptiste = Les inscriptions puniques de Dougga. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 60ᵉ année, N. 2, 1916. pp. 119-131;
Doi:https://doi.org/10.3406/crai.1916.73684   https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1916_num_60_2_73684 
*APTEC-tounes

mercredi 1 mai 2019

Horlogerie suisse, art et patrimoine– Une histoire de Barbier, de Musée et de minorités

Figure 01 – Horlogerie suisse – Montre en argent signée BARBIER - De quel Barbier s’agit-il? – (Réf. ARTmedina-tounes)

L’histoire commence par une montre signée BARBIER. Elle finit par une montre signée VACHERON et CONSTANTIN.

Figure 02 A – Horlogerie suisse -  Montre ancienne signée VACHERON ET CONSTANTIN de Genève - (Réf. ARTmedina-tounes)

Au début, je voulais identifier une montre signée BARBIER en ma possession (figures 01), éparpillée parmi la collection privée ARTmedina-tounes.


Figure 01B

Rien que sur le dictionnaire des horlogers et fabricants anciens de montres suisses (en référence au site «fr. worldtempus.com»), ils ne sont pas moins de 5 «Barbier» qui y figurent:
- Barbier C.H, horloger de Genève à la fin du 19ème siècle et successeur de la maison de la marque Zentler frères.
- Barbier Jacques, dit Brunet, horloger à Genève au 17ème siècle avant de s’établir à Lyon en 1669. Il est connu pour avoir formé Etienne Bouvier en 1660.
- Barbier Antoine, mentionné à Genève en 1860 et 1874.
- Barbier Louis, mentionné à Genève en 1862.
- Barbier P, horloger à Genève et dépositaire de la marque Crédo en 1900.
Lequel de ces Barbiers horlogers, ayant exercé à Genève qui pourrait correspondre à la montre en figure 01?

Figure 01 C

En accentuant les recherches, je tombe sur un autre Barbier suisse, non horloger cette fois-ci, de Genève également, mais en rapport étroit avec l’Art et le patrimoine.
Un Jean Paul Barbier qui s’est avéré un «Grand», tellement imbu de culture qu’il m’a fait oublier ma montre par la découverte d’une formidable collection artistique multiethnique, construite à coup d’amour de l’art, ayant comme ligne de conduite le slogan: «Contre l’oubli» des minorités dont la culture est vouée à la déperdition.
Un Jean Paul Barbier dont la destinée a voulu qu’il devienne en 1955 le beau-fils du plus grand collectionneur d’arts primitifs, Joseph Mueller, et qu’il fonde en 1977, le «Musée Barbier-Mueller» installé au numéro 10 de la rue Jean-Calvin à Genève.

Figure 03 - Entrée du Musée Barbier-Mueller à Genève – Suisse, au n°10 Rue Jean Calvin.

Voici des extraits de la présentation de ce musée familial, à partir d’un communiqué de presse:
«
Fondé en 1977, le musée est installé au cœur de la Vieille Ville de Genève. Il a pour vocation de conserver, d’étudier et de publier une collection commencée par Josef Mueller dès 1907 et poursuivie jusqu’à nos jours par ses héritiers.
Cette collection compte aujourd’hui plusieurs milliers de pièces et comprend des œuvres d’art de l’Antiquité tribale et classique, ainsi que des sculptures, tissus, ornements provenant des civilisations du monde entier. Nombre de ces pièces sont considérées comme des chefs-d’œuvre incontournables.
Le musée Barbier-Mueller organise deux expositions temporaires par an, présentant une sélection d’objets de la collection. Seules ces pièces sont visibles par le public.
En outre, le musée Barbier-Mueller s’est acquis une reconnaissance internationale par des expositions itinérantes, des prêts consentis à d’autres musées et par la publication de nombreux catalogues et livres d’art. Trois points essentiels le particularisent :
-      Les collections ont commencé après la Première Guerre mondiale, ce qui explique la forte présence de pièces "historiques", introuvables aujourd’hui.
-      Cette collection privée est la plus importante du monde.
-      Le musée publie constamment de nouveaux ouvrages pour accompagner ses expositions dans le monde (dans une centaine de musées en 37 ans)
».
Figure 04 – Logo « Fondation culturelle - Musée Barbier-Mueller »

Poursuivant son œuvre de bâtisseur, Jean Paul Barbier crée la «Fondation Barbier-Mueller pour la culture», en partenariat avec une autre maison aussi réputée, la «Maison VACHERON CONSTANTIN», l’une des plus anciennes de l’horlogerie suisse, créée depuis 1755.

De cette histoire artistique, comme je les aime, ce qui m’a interpellé à l’émotionnel, c’est le slogan de Jean Paul Barbier résumé en trois mots: «Fondation contre l’oubli».
Sur le site de sa fondation, voici l’introduction qu’il a rédigée en avril 2010:
""
-"En Afrique, quand un vieux meurt, c'est une bibliothèque qui brûle"- 
       Amadou Hampaté Bâ

Cette vérité doit nous hanter. Comment nous, hommes de l’écriture, armés pour conserver le patrimoine de l’humanité, pouvons-nous assister impassibles à l’extinction, à la disparition de mythes aussi riches que le furent ceux de la Grèce ?
Force est de constater que l’immense mouvement des recherches ethnologiques entreprises au XXe siècle s’est surtout focalisé sur les peuples les plus « visibles », ceux qui fourmillaient de richesses culturelles : masques, sculptures, sociétés initiatiques, mythes d’origine complexes, etc. Or il est apparu qu’il existe, parfois à proximité immédiate d’une ville où les anthropologues se rendent fréquemment, de tous petits groupes possédant une forte identité individuelle, et qui restent ignorés.
Au cours de ses trente-trois ans d’existence, le musée Barbier-Mueller a trouvé le temps, et les enquêteurs qualifiés pour en étudier quelques-uns. Néanmoins, rapidement, il s’est avéré que cette activité annexe ne pouvait pas, ne devait pas être poursuivie sur une plus grande échelle par une institution ayant pour principal objectif de faire connaître les qualités plastiques des œuvres élaborées dans le contexte magico-religieux des « peuples sans écriture ». En effet, nombre de ces petits groupes isolés n’ont aucun objet de culte, aucun masque, aucun « fétiche ». Ils n’ont pour eux qu’une étonnante organisation socio-politique, des cultes complexes fondés sur des statues en terre crue, périssables, des préoccupations religieuses aniconiques, bref ! Rien qui puisse être exposé dans un musée, ou peu de choses.
J’espère qu’aucun être humain, aucune religion, aucune culture, si petite soit-elle, ne disparaîtra sans avoir laissé une trace claire.
""
Le 22 décembre 2016, Jean Paul Barbier-Mueller nous quittait pour un monde où sa place d’artiste l’attendait, en laissant un legs inestimable pour le patrimoine mondial. Que son âme repose en paix.

Son slogan «Contre l’oubli» n’a cessé de raisonner en moi.

Il m’a rappelé mes écrits figurant déjà sur ce blog et sur les numéros 01 et 02 de mes cahiers artistiques ARTmedina-tounes, qui mettent en relief des groupes ethniques de Tunisie également oubliés: les berbéro-bédouins, descendants des Libyco-berbères, les premiers peuples d’Afrique du nord, et les Tabarquins d’origine génoise, immigrés en Tunisie depuis 1542 à l’îlot de Tabarka au nord-ouest de la Tunisie.

Des écrits où je me prononce contre leur oubli, mais encore plus, pour le pardon de ceux qui les ont maltraités.

Les berbéro-bédouins, femmes, enfants et hommes, ont été dénudés de leur dignité et offerts nus de par le monde…sur les cartes postales de la France colonialiste.

Figure 05 – Berbéro-bédouine dénudée sur une carte postale éditée en France colonialiste – (Réf. ARTmedina-tounes)

Quant aux Tuniso – Tabarquins, après leur intégration et participation à l’essor économique de la régence beylicale de Tunis durant plus de deux siècles, ils ont subi en 1741 les affres du bagne de Tunis sous le règne d’Ali 1 Bey (1735-1756). En 1756, c’est au tour du bagne d’Alger de les accueillir avant leur libération contre payement de leur rançon par les deux Charles, le roi de Sardaigne et le roi d’Espagne. Et même immigrés en Sardaigne, les Tabarquins ont été capturés en 1798 par les corsaires de Hamouda 2 Pacha Bey (1782-1814) et ont subi encore l’esclavage.

Les groupes ethniques Berbéro-bédouins et Tabarquins n’existent plus en Tunisie. Ne les oublions pas. Leur culture fait partie intégrale du patrimoine de Tunisie.

Les premiers, sédentarisés, ont évolué pour devenir ce qu’on appelle, aujourd’hui, les ruraux, dont la plupart des femmes travaillent dans les champs. Dans des conditions dures pour ne pas dire esclavagistes. Une évolution à la « mondialisation » qui leur a fait perdre beaucoup de leurs coutumes et leur langue ancestrale. Appauvries, elles ne s’habillent plus de la Melia originelle tissée en fils naturels de laine et/ou de coton. Dorénavant, Foulards en dentelle et mufle en plastique. Leurs bijoux en argent, démodés; dont la parure typique aux fibules tient un rang particulier parmi les produits sauvegardés d’ARTmedina-tounes (figure 06); ont été vendus dans les souks à bas prix pour subir les fournaises de recyclage des bijoutiers tout le long de la 2ème moitié du 20ème siècle. Et j’en passe. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à publier les cahiers artistiques ARTmedina-tounes dans l’optique de la sauvegarde et de la promotion de ce patrimoine. L’important, c’est de laisser la trace, comme disait Jean Paul Barbier.
 
Figure 06 – Patrimoine de Tunisie – Bijoux en argent des Berbéro – Bédouins - Parure constituée de chaines en triple rangée, de pendentifs de mains de Fatma et d’un rond lunaire avec étoile à 5 branches. Les extrémités de la parure seront liées aux deux fibules qui vont attacher les bouts de l’étoffe de la Melia sur la poitrine de la Berbéro-bédouine – (Réf. ARTmedina-tounes)

Figure 7 – Patrimoine de Tunisie - Berbéro-bédouine portant la fameuse parure aux fibules nouant les extrémités de l’étoffe de la Melia, de couleur originelle en bleue indigo – Réf. Carte postale du photographe orientaliste Rudolf Lehnert (1878-1948) -

De même que les berbéro-bédouins, le groupe ethnique des Tabarquins n’existe plus en Tunisie. Ce qu’il en reste a fondu dans la population. Le destin des Tabarquins a voulu qu’ils se conservent en se reconstituant ailleurs.

Figure 08 – Patrimoine de Tunisie – Ilot de Tabarka au nord-ouest de la Tunisie, avant sa connexion naturelle au continent par une bande de sable au début des années 1940 – Ce qu’il en reste des vestiges de l’époque Tabarquine est le Fort espagnol au sommet, construit du temps de Charles Quint pour la garnison espagnole de défense de l’îlot – (Réf.ARTmedina-tounes) 

L'évolution des Tabarquins s’est refaite en Sardaigne d’Italie, un peu moins en Espagne où le groupe s’est presque dissous aujourd’hui dans la population et la culture espagnole. Par contre, le groupe de Sardaigne, sur les îlots de Saint Pierre et de Saint Antonio, ne cesse d’augmenter en nombre pour atteindre les 10000 habitants au début de ce millénaire. Le plus remarquable est que leur évolution s’est faite en sauvegardant leurs coutumes depuis le débarquement de leurs ancêtres génois en 1542 à l’îlot de Tabarka, et de leur langue patoise Tuniso-Génoise. Contre l’oubli, ils se commémorent, chaque année, la pêche du Thon de Sidi Daoud qui a contribué, en plus de la pêche du corail, à leur essor et à l’essor de l’économie de la régence beylicale, leur première patrie d’accueil.

Au slogan de « Contre l’oubli », si cher à Jean Paul Barbier, j’ai ajouté celui de « Pour le pardon »:

-      des torts causés aux berbéro-bédouins, par la France colonialiste,
-     et des torts causés aux Tabarquins, par la régence beylicale.

Le «Pardon» de la France colonialiste, je l’ai relancé en 2018 auprès de la présidence de la république française et de son ambassadeur à Tunis et ce, à l’occasion de la visite officielle de M.Macron à Tunis. Sans réponses, pour le moment. Auparavant, je l’ai déjà soulevé dans le n°01 de mes cahiers artistiques ARTmedina-tounes, intitulé: «La fibule berbère, la Melia et le vœu de la paix» (distribué par Amazon).

Figure 09 - Couverture du cahier artistique n° 01 d’ARTmedina-tounes publié chez Amazon.
Voici des extraits de son annexe 04 sur le photographe orientaliste Joseph Garrigues:
«
…ils ont été à l’origine du lancement de la mode de la nudité* sur les cartes postales par le biais des bédouines indigènes. Etaient-ce pour des raisons commerciales pour rivaliser avec les peintres orientalistes qui se faisaient déjà du succès avec les nus? Ou, étaient-ce pour des visées colonialistes avec comme premier objectif l’acculturation par la dégradation identitaire des peuples colonisés ?

*NB: Apparemment, dans une Europe du 19ème siècle encore conservatrice, on ne pouvait pas montrer facilement des européennes, chrétiennes, nues sur des cartes postales. Avec la colonisation et un esprit dominateur rampant et hautain, on pouvait se le permettre avec les indigènes qui se sont même retrouvés exposés derrière des grilles au même titre que les animaux, dans les expositions coloniales en France. Pour amuser la galerie, sûrement. Pour se faire de l’argent facile, certainement. Pour la propagande de la colonisation dominante des peuples indigènes, surtout. En portant un coup énorme à l’honneur et à la fierté des groupes ethniques les plus pauvres et les plus faibles qui, un siècle plus tard, méritent les excuses officielles des responsables colonisateurs.
Fig.116 – Berbéro bédouine dénudée - Carte postale du photographe orientaliste Joseph Garrigues – (Réf. ARTmédina-tounes)
………»

Quant au «Pardon» pour les torts causés aux Tabarquins par la régence beylicale, à ce que je sache, personne n’y a pensé. Dorénavant, je m’y attache. A commencer par le présent article où, en tant que citoyen tunisien, j’exprime peine et compassion à tous les Tabarquins qui ont subi injustement les affres du bagne et de l’esclavagisme. Ne les oublions pas.
Justement, c’est contre leur oubli que j’ai publié chez Amazon le n°02 de mas cahiers artistiques ARTmedina-tounes, intitulé: «Les Tabarquins et le corail rouge de Tunisie».
 
Figure 10 - Couverture du cahier artistique n° 02 d’ARTmedina-tounes publié chez Amazon.

D’histoire en histoire et d’un cahier à l’autre, on va finir par oublier la montre suisse signée BARBIER en figure 01. Je vous laisse le soin d’identifier de quel Barbier s’agit-il? Car, je ne suis pas arrivé à le faire.

Par contre, ce que j’ai pu retracer avec une autre montre signée VACHERON et CONSTANTIN - la maison horlogère suisse entrée en partenariat avec Jean Paul Barbier-Mueller pour la création de la «Fondation Barbier-Mueller pour la culture», comme mentionné ci-dessus -, figure déjà dans un article du présent blog en rubrique « tounes Antiquités». En voici des extraits:
«
mercredi 30 septembre 2015
VACHERON ET CONSTANTIN – Le logo des premiers pas à Genève


Logo d’époque de la maison VACHERON ET CONSTANTIN
(Réf.ARTmédina-tounes - CL08 .01A ; 2X3 cm)

C’est une vieille montre entassée parmi d’autres dans le tiroir…Toutes ont été dénudées de leurs bracelets et le temps leur a fait subir tant de chocs dans leurs « carrosseries » et tant d’émotions à leurs maîtres.


Bloc de montre d’époque de VACHERON et CONSTANTIN.
(Réf.ARTmédina-tounes - CL08 .01B ; 2X3 cm)

Un vulgaire bloc de montre emblématique par son logo de VACHERON ET CONSTANTIN. Il est rectangulaire (2 X 3 cm) et le revers de sa « carrosserie » est de la beauté du jaune d’or. Sans conteste et en son temps, il s’agit d’un bijou de haute classe. Aujourd’hui, il s’agit d’un objet du patrimoine horloger suisse.


Bloc de montre d’époque de VACHERON et CONSTANTIN.
(Réf.ARTmédina-tounes - CL08 .01C ; 2X3 cm)

Ce petit bloc rectangulaire d’apparence « réformée », est une pièce de musée car, en son sein, regorge tant  d’informations technologiques et de savoir-faire d’époque de l’horlogerie suisse.
Des informations épatantes sautent aux yeux des amateurs avertis. Le logo de la fameuse maison VACHERON ET CONSTANTIN, tel qu’il a été conçu par ses premiers maîtres, n’est plus le même.


Logo actuel de la maison VACHERON CONSTANTIN.

Le logo d’aujourd’hui a fait introduire la croix de Malte. En plus, l’élimination du « et » du logo d’époque fait croire que VACHERON CONSTANTIN est une seule personne, alors que le logo originel fait mention aux deux associés : VACHERON ET CONSTANTIN.
»

Monhel
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