Fig.01 - Citadelle de
Massada sur les hauteurs du « grand rocher » près de Jerusalem,
reliée par la « rampe route » construite en 73 J.C par les romains
pour pouvoir y accéder et la faire tomber. Les vaincus de Massada, à leur tête
Ben Yair, ont préféré la mort au lieu de se livrer.
Deux citadelles distantes l’une de l’autre d’à peine une
centaine de kilomètres. La première, située en Judée. La seconde, en Samarie.
Elles ont été le théâtre de grands évènements historiques
qui ont bouleversé la destinée des trois religions monothéistes.
La citadelle juive de Massada, tout près de Jérusalem,
prise en l’an 73 après J.C par le général romain Flavius Silva sous les ordres
de Titus, mettant fin ainsi à la première grande révolte juive contre le colonisateur
romain.
Une citadelle bâtie sur un emplacement stratégique, sur
les hauteurs impressionnantes de l’immense rocher de Massada près de Jérusalem.
Une citadelle quasiment imprenable qui a servi comme dernier refuge au chef de
la révolte Ben Yair et ses compagnons solidaires dans la vie et dans la mort.
Malgré le très long siège imposé par les romains, la
citadelle de Massada est restée imprenable. Il aura fallu d’une idée
ingénieuse, d’ampleur pharaonique pour y accéder et la faire tomber, et en même
temps, faire entrer sa légende dans l’histoire. Une légende de bravoure des
vaincus qui ont choisi le suicide collectif au lieu de se livrer à l’ennemi.
L’idée ingénieuse des romains a été d’ensabler le vide séparant
le rocher de la citadelle à la plus proche colline d’en face. Les nombreux
esclaves juifs ramenés par les romains de toutes les régions de la Judée et Samarie
ont dû verser des tonnes et des tonnes de sable et de… sueur, pour pouvoir
dresser une route praticable jusqu’au niveau du mur supérieur de la citadelle,
permettant ainsi d’y accéder. Une route savamment construite puisqu’elle a pu
surmonter les siècles jusqu’à nos jours (figure 01).
Fig.02 - Citadelle des chevaliers hospitaliers (Krak des chevaliers
/ Kalaat Salah Eddine), située actuellement à Homs en Syrie( en antique Samarie)
et classée en 2006 en tant que patrimoine mondial de l’Unesco - Située près de
la frontière nord du Liban, supplantant en hauteur la plaine stratégique de la
Bukeia -
L’autre citadelle réputée imprenable, située en Samarie, chrétienne
cette fois-ci, a été détenue et défendue par les chevaliers hospitaliers depuis
1142 en pleine période des croisades.
Si, douze siècles auparavant, la citadelle juive de
Massada a basculé aux mains des païens romains, la citadelle chrétienne des
chevaliers hospitaliers a basculé dans le camp musulman en 1271 sous le
commandement de Baybars le Mamelouk, sultan d’Egypte et de Syrie de 1260 à 1277.
Elle a basculé également par la ruse.
Par un faux messager rapportant un ordre du grand maître
des Templiers à l’intention des derniers assiégés de la citadelle pour se
rendre contre la vie sauve.
Par une simple ruse de communication, plutôt, un mensonge
diplomatique qui a permis d’ouvrir ses portes toutes grandioses à l’ennemi, alors
que sa prise par la force a échoué même devant les deux redoutables chefs
musulmans qui ont été Nourreddine et Saladin.
A la veille de sa mort en 1193, la plus grande tristesse
de Saladin l’Ayoubite, a été de ne pas avoir pu déverrouiller la « Citadelle
des chevaliers », symbole de la grandeur des croisés en orient. En face de ses
murailles et avant Saladin, en 1163, le grand Nourreddine s’est fait également
rejeter.
Ce que Saladin et Nourreddine n’ont pu réaliser par la
force, Baybars le Mamelouk l’a donc fait par la ruse et ce, malgré les
fortifications immenses apportées par le Saint Louis 9 lors de sa 8ème
croisade entamée en 1250. Une croisade terminée en désastre sur les terres des
pharaons, justement suite à l’ingéniosité du jeune officier Mamelouk Baybars en
pleine ascension militaire. Le roi de France, capturé et emprisonné sera bien
traité par les Mamelouks. Il sera délivré contre rançon de guerre. Depuis,
l’humiliation, puis la vengeance, ne cesseront de ronger Louis 9. Lorsqu’en 1270,
il arrivera enfin à mener la croisade vengeresse, le jeune
officier Baybars qui l’humilia par la défaite de la 8ème croisade,
est désormais le Sultan d’Egypte. Le Saint Louis n’atteindra pas les terres saintes
et la mort le frappera à mi-chemin en voulant s'emparer de Tunis la Hafside, l'alliée de Baybars.
C’est ainsi que depuis la date fatidique de sa prise en
1271, la citadelle des chevaliers hospitaliers est demeurée musulmane jusqu’à
l’avènement de la colonisation du 20ème siècle. Durant toute cette
longue période, Baybars, réputé pour sa férocité guerrière et son emblème à la
symbolique du lion brandissant l’épée, est resté la coqueluche des musulmans
durant des siècles, tout comme ses illustres modèles Nourreddine et son
lieutenant Saladin.
De nos jours, l’emblème de Baybars, le lion vainqueur
arborant le sabre, est resté vivace sur les murailles de la Citadelle des
Chevaliers hospitaliers, située dans l’actuelle Syrie.
Fig.03 - Le lion de Baybars sculpté sur le mur de la tour
sud-est de la Citadelle des Chevaliers hospitaliers, après sa prise par les
musulmans en 1271.
De même, Baybars a osé faire figurer le lion sur son
monnayage alors que la pratique musulmane a toujours interdit la figuration sur
les monnaies. En plus d’un grand stratège militaire, il s’est avéré un
propagandiste par le biais des monnaies, comme l’ont été, mieux que quiconque,
les empereurs romains.
Fig.04 - Monnayage arabe sous la souveraineté de Baybars le
Mamelouk (1260 - 1276) - Dinar en or indiquant sur sa face l’emblème du Lion.
Son monnayage propagandiste a perduré durant un siècle et
demi. Ce n’est qu’avec l’avènement des Ottomans que la figuration sur le
monnayage musulman va disparaitre de nouveau. Malgré tout, le mythe et l’attraction
pour les monnaies au lion de Baybars ont persisté et les romans ont amplifié la
légende du vainqueur des croisés. Durant de longues années, les mythiques
monnaies musulmanes au lion vont constituer l’élément de choix préféré pour la
confection des bijoux musulmans.
Mythes, croyances et retournements de situations ont
marqué les peuples et les religions. Les deux citadelles de Judée et Samarie,
réputées imprenables par leurs bâtisseurs, ont été prenables non par la force, mais par l'ingéniosité et la ruse.
Elles ont changé de mains maintes fois. Juives, païennes, chrétiennes ou
musulmanes et autant de mythes et de croyances. Aujourd’hui, l’une est en
possession juive et l’autre musulmane. Elles font partie de l’histoire des
peuples. Du patrimoine universel à sauvegarder.
Monhel
ARTmedina-tounes
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