samedi 28 octobre 2017

Judée et Samarie - Deux citadelles réputées imprenables

Fig.01 - Citadelle de Massada sur les hauteurs du « grand rocher » près de Jerusalem, reliée par la « rampe route » construite en 73 J.C par les romains pour pouvoir y accéder et la faire tomber. Les vaincus de Massada, à leur tête Ben Yair, ont préféré la mort au lieu de se livrer.

Deux citadelles distantes l’une de l’autre d’à peine une centaine de kilomètres. La première, située en Judée. La seconde, en Samarie.

Elles ont été le théâtre de grands évènements historiques qui ont bouleversé la destinée des trois religions monothéistes.

La citadelle juive de Massada, tout près de Jérusalem, prise en l’an 73 après J.C par le général romain Flavius Silva sous les ordres de Titus, mettant fin ainsi à la première grande révolte juive contre le colonisateur romain.

Une citadelle bâtie sur un emplacement stratégique, sur les hauteurs impressionnantes de l’immense rocher de Massada près de Jérusalem. Une citadelle quasiment imprenable qui a servi comme dernier refuge au chef de la révolte Ben Yair et ses compagnons solidaires dans la vie et dans la mort.

Malgré le très long siège imposé par les romains, la citadelle de Massada est restée imprenable. Il aura fallu d’une idée ingénieuse, d’ampleur pharaonique pour y accéder et la faire tomber, et en même temps, faire entrer sa légende dans l’histoire. Une légende de bravoure des vaincus qui ont choisi le suicide collectif au lieu de se livrer à l’ennemi.

L’idée ingénieuse des romains a été d’ensabler le vide séparant le rocher de la citadelle à la plus proche colline d’en face. Les nombreux esclaves juifs ramenés par les romains de toutes les régions de la Judée et Samarie ont dû verser des tonnes et des tonnes de sable et de… sueur, pour pouvoir dresser une route praticable jusqu’au niveau du mur supérieur de la citadelle, permettant ainsi d’y accéder. Une route savamment construite puisqu’elle a pu surmonter les siècles jusqu’à nos jours (figure 01).



Fig.02 - Citadelle des chevaliers hospitaliers (Krak des chevaliers / Kalaat Salah Eddine), située actuellement à Homs en Syrie( en antique Samarie) et classée en 2006 en tant que patrimoine mondial de l’Unesco - Située près de la frontière nord du Liban, supplantant en hauteur la plaine stratégique de la Bukeia -

L’autre citadelle réputée imprenable, située en Samarie, chrétienne cette fois-ci, a été détenue et défendue par les chevaliers hospitaliers depuis 1142 en pleine période des croisades.

Si, douze siècles auparavant, la citadelle juive de Massada a basculé aux mains des païens romains, la citadelle chrétienne des chevaliers hospitaliers a basculé dans le camp musulman en 1271 sous le commandement de Baybars le Mamelouk, sultan d’Egypte et de Syrie de 1260 à 1277.

Elle a basculé également par la ruse.

Par un faux messager rapportant un ordre du grand maître des Templiers à l’intention des derniers assiégés de la citadelle pour se rendre contre la vie sauve.

Par une simple ruse de communication, plutôt, un mensonge diplomatique qui a permis d’ouvrir ses portes toutes grandioses à l’ennemi, alors que sa prise par la force a échoué même devant les deux redoutables chefs musulmans qui ont été Nourreddine et Saladin.

A la veille de sa mort en 1193, la plus grande tristesse de Saladin l’Ayoubite, a été de ne pas avoir pu déverrouiller la « Citadelle des chevaliers », symbole de la grandeur des croisés en orient. En face de ses murailles et avant Saladin, en 1163, le grand Nourreddine s’est fait également rejeter.

Ce que Saladin et Nourreddine n’ont pu réaliser par la force, Baybars le Mamelouk l’a donc fait par la ruse et ce, malgré les fortifications immenses apportées par le Saint Louis 9 lors de sa 8ème croisade entamée en 1250. Une croisade terminée en désastre sur les terres des pharaons, justement suite à l’ingéniosité du jeune officier Mamelouk Baybars en pleine ascension militaire. Le roi de France, capturé et emprisonné sera bien traité par les Mamelouks. Il sera délivré contre rançon de guerre. Depuis, l’humiliation, puis la vengeance, ne cesseront de ronger Louis 9. Lorsqu’en 1270, il arrivera enfin à mener la croisade vengeresse, le jeune officier Baybars qui l’humilia par la défaite de la 8ème croisade, est désormais le Sultan d’Egypte. Le Saint Louis n’atteindra pas les terres saintes et la mort le frappera à mi-chemin en voulant s'emparer de Tunis la Hafside, l'alliée de Baybars.

C’est ainsi que depuis la date fatidique de sa prise en 1271, la citadelle des chevaliers hospitaliers est demeurée musulmane jusqu’à l’avènement de la colonisation du 20ème siècle. Durant toute cette longue période, Baybars, réputé pour sa férocité guerrière et son emblème à la symbolique du lion brandissant l’épée, est resté la coqueluche des musulmans durant des siècles, tout comme ses illustres modèles Nourreddine et son lieutenant Saladin.
De nos jours, l’emblème de Baybars, le lion vainqueur arborant le sabre, est resté vivace sur les murailles de la Citadelle des Chevaliers hospitaliers, située dans l’actuelle Syrie.

Fig.03 - Le lion de Baybars sculpté sur le mur de la tour sud-est de la Citadelle des Chevaliers hospitaliers, après sa prise par les musulmans en 1271.

De même, Baybars a osé faire figurer le lion sur son monnayage alors que la pratique musulmane a toujours interdit la figuration sur les monnaies. En plus d’un grand stratège militaire, il s’est avéré un propagandiste par le biais des monnaies, comme l’ont été, mieux que quiconque, les empereurs romains.

Fig.04 - Monnayage arabe sous la souveraineté de Baybars le Mamelouk (1260 - 1276) - Dinar en or indiquant sur sa face l’emblème du Lion.

Son monnayage propagandiste a perduré durant un siècle et demi. Ce n’est qu’avec l’avènement des Ottomans que la figuration sur le monnayage musulman va disparaitre de nouveau. Malgré tout, le mythe et l’attraction pour les monnaies au lion de Baybars ont persisté et les romans ont amplifié la légende du vainqueur des croisés. Durant de longues années, les mythiques monnaies musulmanes au lion vont constituer l’élément de choix préféré pour la confection des bijoux musulmans.

Mythes, croyances et retournements de situations ont marqué les peuples et les religions. Les deux citadelles de Judée et Samarie, réputées imprenables par leurs bâtisseurs, ont été prenables non par la force, mais par l'ingéniosité et la ruse. Elles ont changé de mains maintes fois. Juives, païennes, chrétiennes ou musulmanes et autant de mythes et de croyances. Aujourd’hui, l’une est en possession juive et l’autre musulmane. Elles font partie de l’histoire des peuples. Du patrimoine universel à sauvegarder.

Monhel

ARTmedina-tounes
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vendredi 20 octobre 2017

Monnaies beylicales en cuivre de Tunisie – Le Fals et le Qafsi

Mise à jour du 12.10.2023
L'article du 3.10.2023 publié sur le présent blog [ https://art-tounes.blogspot.com/2023/10/monnaies-beylicales-en-cuivre-de-la.html   ] , relatif au Fals (Bourbe) d'Ibrahim Bey (1703-1705), apporte de nouvelles données sur sa valeur monétaire, sur les trois composantes du système monétaire du Fals composé de 1 Fals (Bourbe), 1/3 Fals (2 Bourbine) et 1/6 Fals (Qafsi ou Bourbine) et sur leur  distinction par la méthode visuelle de Monhel publiée sur ARTmedina-tounes le 3.10.2023 [ https://art-tounes.blogspot.com/2023/10/monnaies-beylicales-en-cuivre-de-la.html   ].
Par ailleurs, le présent texte tient compte du fait que suite à la refonte du Fals du 17è siècle par Ibrahim Cherif et l'émission d'un Fals diminué de la moitié de son poids antérieur, sa valeur monétaire est resté la même et non égale à  1/2 Fals. Ci-après, une note relative au Fals d'Ibrahim Cherif:

Note tirée de l’article « Monnaies beylicales en cuivre de la régence de Tunis – Partie B01 – Le Fals (Bourbe) du 16è et 17è siècles (1574-1703) », publié le 16.09.2023 sur ARTmédina-tounes https://art-tounes.blogspot.com/2023/09/monnaies-beylicales-en-cuivre-de-la.html  ] :

*La première période Husseinite s’étalant de 1705 à 1759 correspond à la circulation de la quantité importante du Fals (Bourbe) hérité d’Ibrahim Chérif (1703-1705) résultant de la fusion du Fals du 16è-17è dont on ne recense actuellement qu’une vingtaine de pièces rescapées (2). (La Partie B01.02 lui sera consacrée). En sachant que durant cette longue période, les successeurs d’Ibrahim Chérif, Hussein 1er Bey (1705-1735) et Ali 1er Bey (1735-1756) n’ont point frappé de Fals (Bourbe) en cuivre. Ce dernier a introduit le Qafsi (Bourbine) dénommé également Fals rekik (Fals fin), de valeur égale à 1/6 Fals.

En fait, ce qui s’est passé pour le Fals (Bourbe) du 16è-17è de poids moyen de 1.6g (6) refondu par Ibrahim Chérif (1703-1705), s’est reproduit pour le Fals (Bourbe) de ce dernier  de poids amoindri mais gardant sa valeur (6). En effet, le Fals d'Ibrahim Chérif a été refondu en 1759 par Mohamed 1er Rachid Bey (1756-1759) puis par Ali 2 Bey (1759-1882) pour lui redonner sa grandeur d’origine arabe de poids moyen d’environ 3 à 4 g. Aucun exemplaire du Fals d’Ibrahim Chérif ne nous est parvenu, sauf peut-être celui suggéré par Monhel (La Partie B01.02 lui sera consacrée). Un exemplaire du Fals (Bourbe) émis en 1759 figure dans la collection de la BCT, monnaie 727 - Musée de la monnaie de Tunis 


Les mises à jour du 29.3 2021 et du 4.11.2020 sont incluses dans le texte de l'article. 
Celle du 30.10.2018 est reportée en annexe.
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fig.01 face
fig.01 revers

Figure 01- Monnayage beylical de Ali 2 Bey (1759 - 1782) - Fals en cuivre (Bourbe) : 3,5 g ; 20 mm  – Indications de la face : Sultan Mustapha Khan – Indications du revers : frappé à Tunis en 1173 de l’Hégire (1760) – Réf. TND 4A -

A la veille de l’avènement des Beys Husseinites, Ibrahim Cherif dont le règne ne durera que trois brèves années de 1703 à 1705, a procédé à une grande arnaque monétaire en faisant retirer l’ensemble de la monnaie en cuivre dénommée Fals (Bourbe), qui constituait la principale monnaie marchande de la population, pour la faire fondre et frapper à sa place une quantité énorme de Fals diminué de son poids original de 3.5 g tout en gardant sa valeur monétaire.

L’opération a ainsi rapporté des gains énormes pour le dictateur en herbe qui s’est vite accaparé, pour la première fois dans la régence de Tunis, les trois titres officiels de Pacha (représentant du sultan ottoman), de Dey (chef de la milice armée des janissaires turcs) et de Bey (chef de la collecte des impôts).

Vaincu en 1705 grâce à une coalition du Dey d’Alger qui ne recevait plus son tribut annuel, Ibrahim Cherif sera décapité par le malin Hussein Ben Ali qui, lui, se contentera du seul titre de Bey tout en fondant la dynastie des beys husseinites dont les règnes successifs s’étaleront sur une longue durée de deux siècles et demie.
En prenant le pouvoir, Hussein Ben Ali 1e, dont le règne s’étalera de 1705 à 1735, ne frappera plus la monnaie en cuivre du fait que le marché a été déjà inondé par l’énorme quantité de Fals d’Ibrahim Cherif.

La monnaie en cuivre sera refrappée par son successeur Ali 1e Bey (1735 – 1756) qui reproduira le Fals dévalué d’un poids de 2 à 1.5 g et de diamètre d’environ 15 mm, mais en plus, émettra une nouvelle monnaie en cuivre, dénommée Qafsi (Bourbine) , plus petite en diamètre et en poids (10 mm pour 1g en moyenne) et qui, très vite, ne dépassera plus 0.5g.


fig.02 face

Figure. 02 - Monnayage beylical de Ali 2  Bey (1759 - 1782) - Qafsi en cuivre : 0,45 g ; 10 mm – Indications du revers : 1176 de l’hégire (1763 JC), Fi (à), Tunis – Indications de la face : Dhuriba (Frappé), Symbolique à 5 points (peut être en rapport avec le Sultan) – Réf.TND 1A -

La fin de règne d’Ali 1e Bey, assez mouvementée sur les plans militaire et économique, verra le Fals dévalué jusqu’à 0.9g (aurait-il été  admis comme un demi Fals?), le Qafsi ne pesant alors que 0,4 g.


fig.03 face

Figure. 03 - Monnayage beylical de Ali 2 Bey (1759 - 1782) – Qafsi en cuivre : 0,8 g ; 14 mm – Indications du revers :1173 de l’Hégire (1760 JC), Fi (à), Tunis – Indications de la face : Dhuriba (Frappé), Symbolique à 5 points (peut être en rapport avec le Sultan) – Réf.TND 28A -

Dans cet article de 2017, mis à jour une première fois le 30.10.2018 (Voir en annexe), l’auteur écarte l’existence du ½ Fals comme 3ème subdivision du système monétaire divisible du Fals en cuivre, l’unité de compte de ce système, puisqu’il ne parle que du Fals (Bourbe) et du Qafsi (Bourbine).

Par contre dans son cahier artistique n°03 publié sur Amazon en 2020, intitulé: «Système monétaire de la régence de Tunis – 1574/1891» (https://www.amazon.fr/Syst%C3%A8me-mon%C3%A9taire-r%C3%A9gence-Tunis-1574-1891/dp/B08GLQXMPD), l’auteur opte pour l’éventualité d’une 3ème subdivision en soumettant l’existence du 1/3 Fals et non pas du ½ Fals.

De ce fait, il contredit le catalogue KM des monnaies mondiales de Krause Mischler qui fait référence à l’existence simultanée du ½ Fals et du 1/3 Fals, tout en rappelant le manque de documents officiels et d’archives apportant la preuve de leur existence.

Pour précision et correction en fonction des nouvelles données avancées dans le cahier artistique ARTmedina-tounes n°03 suscité, le dernier paragraphe: 

"Le Fals dévalué sera écarté sous Mohamed 2 Rachid Bey (1756 - 1759) qui émettra un Fals à son poids original d’environ 3,5 g, alors que le Qafsi est refrappé au début du règne d’Ali 2 Bey (1759 - 1882). Le Fals continuera à être frappé jusqu’à la réforme de 1847 d’Ahmed 1er Bey  qui l’écartera définitivement au profit d’un monnayage en cuivre dénommé Nasry (subdivisions de 13 Nasrys, 6 Nasrys, 3 Nasrys, 1 Nasry), à ne pas confondre avec le fameux Nasri Hafside en argent. Les Nasrys en cuivre ne dépasseront pas la période de Mohamed 3 Bey (1855 - 1859) qui changera la dénomination du monnayage de cuivre en Kharoub."

est modifié comme suit :

«Le système monétaire divisible du Fals en cuivre (1 Fals, 1/3 Fals, 1/6 Fals) continuera jusqu’à la réforme monétaire de 1847 d’Ahmed 1er Bey (1837- 1855) qui l’écartera définitivement au profit du système monétaire multiple du Nasry en cuivre (1 Nasry, 3 Nasrys, 6 Nasrys).

A ces 3 monnaies du système du Nasry, Mohamed 3 Bey (1855- 1859) ajoutera en 1856 la monnaie de 13 Nasrys avant de créer en 1858 la monnaie de 2 Kharoubs équivalente à 13 Nasrys. Une équivalence fixée par décret sur la base de la formule monétaire: 16 Kharoubs = 1 Piastre (1 Ryal) [La Piastre (Ryal) étant l’unité de compte principale du système monétaire].

Par ailleurs, suite au décès de Mohamed 3 Bey en 1859, le système monétaire du Kharoub en cuivre entamé par la création de la monnaie de 2 Kharoubs en vue de remplacer le système monétaire du Nasry, n’a pu être achevé par ce Bey.

C’est ainsi que la monnaie de 1 Kharoub, ses multiples et ses subdivisions (8, 4, ½, 1/4) n’ont été émises qu’en 1864 sous Mohamed 4 Sadok Bey (1859- 1882). Quant aux monnaies en cuivre des Nasrys (13, 6, 3, 1), elles ont été écartées définitivement en 1860 avec l’avènement de Mohamed 4 Sadok Bey (1859- 1882)».

Monhel

ARTmedina-tounes

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Annexe

Mise à jour en date du 30.10.2018

Est-ce que le Fals dévalué d’Ibrahim Chérif (1703-1705), diminué de plus de la moitié de son poids et de son diamètre par rapport au Fals antérieur, pourrait être considéré comme une monnaie à part, comptée pour un ½ Fals ?

Dans le précédent article du 20 octobre 2017, j’ai été tenté d’attribuer la monnaie en figure 3 (bien que frappée sous Ali 2 Bey) à un ½ Fals, en me basant sur les spécificités de son diamètre de 14 mm, pour ne pas l’attribuer à un Qafsi dont le diamètre est plutôt inférieur à 10mm. 
En fait, en l’absence des données spécifiques (photo et analyse iconographique) du Fals dévalué d’Ibrahim Chérif (frappé entre 1703 et 1705), et sur la base de l’iconographie semblable au Qafsi en figure 2 (frappé également sous Ali 2 Bey), il semble plus adéquat d’attribuer la monnaie en figure 3 à un Qafsi (Bourbine).

Pour la parité, le Fals (Bourbe) équivaut 6 Qafsi (Bourbine, appelé également Fals rekik).