dimanche 30 avril 2023

Mahmoud Ben Ayed: Escroc ou victime ?

 Ou, Khayria Bint Mahmoud Ben Ayed, premier discours féministe du monde arabo-musulman

Référence : paragraphe « 03.01.02 - Mahmoud Ben Ayed: Escroc ou victime ? », tiré du  cahier artistique ARTmedina-tounes n°03 : « Système monétaire de la régence de Tunis 1574-1891 », Monhel, 2020, Amazon.

«… 03.01.02 - Mahmoud Ben Ayed: Escroc ou victime ?

Figure 120 - Le Caïd et Général Mahmoud Ben Ayed en tenue de commandant de cavalerie - Né à Tunis en 1805 et décédé à İstanbul en 1880 – «Ministre du commerce» en 1837 dès l’intronisation de son ami Ahmed 1er Bey (1837- 1855) - «Fondateur –Directeur» en 1847 de la banque Al Amal, première banque dans le monde arabo-ottoman – Fondateur de la vallée industrielle d’El Battan El Medjerda - Le seul Caid nommé en même temps à la tête de deux Caïdats stratégiques sur le plan économique, celles de Djerba et de Bizerte – Portrait réalisé par le peintre orientaliste Eugène Delacroix - Réf. ARTmedina-tounes.

Il a été taxé d’escroc, par l’histoire actuelle.

Et s’il en était la victime ? Les deux à la fois ?

Un bâtisseur et un richard qu’on voulait abattre à tous prix, avec son mentor Ahmed 1er Bey (1837- 1855), pour des raisons de jalousie, de pouvoir et de modernité.

Plutôt, un génie. Un dignitaire du Makhzen, les services administratifs territoriaux de la régence beylicale. Un homme d’affaires cultivé, de grande famille historique. Fils de l’armateur et corsaire Mohamed Ben Ayed.

C’est sur ce reflet relevant de la fiction du complot, en contradiction avec l’Histoire « officielle », que le présent cahier s’attarde si peu.

En ne s’arrêtant pas sur le fait incriminé de l’escroquerie, plusieurs indices* militent pour un complot dépassant la propre personne de Mahmoud Ben Ayed (1805-1880). *Voir au paragraphe 03.01.03

Un complot pour écarter Ahmed 1er Bey (1837- 1855), dit le Bey Sarde, le tolérant, ouvert aux religions, au Christianisme et au Judaïsme. Un Bey cultivé, le plus grand réformateur politico-économique qu’a enfanté la régence de Tunis.

Un complot dont Mahmoud Ben Ayed, le bras droit et l’homme de confiance d’Ahmed 1er Bey, a su dévier juste à temps pour sauver sa propre tête en se réfugiant en France en 1852. L’Histoire le qualifie toujours d’escroc fuyard. S’il a pu sauver sa tête, il n’a pas pu malheureusement sauver celle de son mentor le Bey lui-même «décédé» en 1855, de mort naturelle diront la plupart. Ni celle de son bras droit technique, l’ingénieur Charles Benoit assassiné juste avant en 1854.

Avec son sens des affaires, axé sur le développement économique de la régence, une nuance à souligner, Mahmoud Ben Ayed a amassé une grande fortune, de façon légale puisqu’il pratiquait le Fermage (sous-traitance – Voir en Partie 03.04) des entreprises de l’Etat, une option politico-économique légale. En faisant surement profiter son ami le Bey des richesses récoltées.

Caïd et Général, incriminé d’escroc et sous la menace de mort, aucun homme intelligent n’aurait déguerpi à l’étranger, le temps d’organiser sa défense, sans prendre les mesures nécessaires pour assurer sa vie et celle de sa famille. En transférant son argent et en se naturalisant par décret français du 23 septembre 1852. Sa défense devant les tribunaux de Tunis et de France a nécessité beaucoup de temps et d’argent. Elle a donné lieu, entres-autres, à un arrêté favorable de Napoléon 3, mais culpabilisé en longueur dans la régence de Tunis.

En fait, le tort incriminé à Mahmoud Ben Ayed a été sa modernité.

Celle-là même qu’il partageait avec Ahmed 1er Bey (1837- 1855) pour assurer le développement économique de la régence de Tunis au diapason de la révolution industrielle en Europe,  avec l’appui de la France de Louis Philippe 1er et de son fils le Duc de Montpensier.

Culpabilisé non seulement de la part des conservateurs et des cheikhs, mais également de la part de son propre père, entré en conflit avec lui à cause de la création de la banque Al Amal et surtout, à cause de son partenariat avec le juif tunisien, le Caïd Nassim Schemama, qui, selon Jean Ganiage (18), le trahira en 1852 pour le pousser à l’exil et prendre sa place.

En quittant sa Tunisie pour la France, sa vision moderniste l’a bien suivie et il l’a entretenue au sein de sa seconde famille. Une famille qui s’est distinguée au début du 20ème siècle par la conférence de sa fille Khayria présentée à Vienne en langue Allemande et intitulée: «la femme et la question de l’émancipation sociale dans le monde musulman au début du XXème siècle». Une première pour le monde musulman et arabe. Une longue conférence sur le thème du féminisme (conférence traduite en arabe en 116 pages - ISBN 9789973084187) précédant d’une trentaine d’années l’évènement féministe du 20ème siècle en  Tunisie provoqué par l’écrit de Tahar Hadad sur l’émancipation de la femme. Khayria Bint Mahmoud Ben Ayed enfantera une autre grande féministe Nazli qui répercutera la tradition moderniste de la famille entre Orient et Maghreb.

N’ayant pas eu gain de cause suite à ses plaintes contre Nassim Schemama et ses neveux, appuyés par les Beys successifs Mohamed 2 (1855- 1859) et Mohamed 3 Sadok (1859- 1882), qui lui ont extorqués ses biens, et sentant venir les bouleversements de la colonisation française, Mahmoud Ben Ayed ne se sentait plus en sécurité en France et a préféré s’exiler à İstanbul où il mourût en 1880 entouré de ses enfants, dont ses deux fils qui épousèrent des princesses égyptiennes de la dynastie de son ami et modèle le grand réformateur Mohamed Ali.

On ne peut quitter Mahmoud Ben Ayed sans parler de sa grandeur de vivre, que ce soit dans son pays natal ou celui d’accueil où il s’appropria l’hôtel Collot sur le quai Anatole France à Paris, le château de Bouges dans l’Indres ou encore la galerie Mandar (actuelle Galerie Kugel) situé au 25 Quai d’Orsay, célèbre par le récit de Victor Hugo dans « Choses vues » qui rapporte les évènements dramatiques qui y ont lieu en 1832 suite à l’enterrement du Général Lamarque et les émeutes réprimées dans le sang.

Fig. 121 - Château de Bouges dans l'Indres acquis en 1856 par Mahmoud Ben Ayed, l'une de ses résidences en France après son départ définitif de Tunisie en 1852– Réf. ARTmedina-tounes –

De belles résidences qui lui ont permis d’inviter et de côtoyer les plus nobles d’Europe et du monde oriental, guidé toujours par cet esprit des affaires et de création de richesses. Il ne sera ni le premier, ni le dernier tunisien à fuir son pays natal pour des raisons de…réussite, de jalousie et de rancunes.

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Monhel

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