Ou, Khayria Bint Mahmoud Ben Ayed, premier discours féministe du monde arabo-musulman
Référence :
paragraphe « 03.01.02 - Mahmoud Ben Ayed: Escroc ou victime ? », tiré
du cahier artistique ARTmedina-tounes
n°03 : « Système monétaire de la régence de Tunis 1574-1891 »,
Monhel, 2020, Amazon.
«… 03.01.02 - Mahmoud Ben Ayed: Escroc ou victime ?
Figure
120 - Le Caïd et Général Mahmoud Ben Ayed en tenue de commandant de cavalerie - Né à
Tunis en 1805 et décédé à İstanbul en 1880 – «Ministre du commerce» en 1837 dès
l’intronisation de son ami Ahmed 1er Bey (1837- 1855) - «Fondateur
–Directeur» en 1847 de la banque Al Amal, première banque dans le monde
arabo-ottoman – Fondateur de la vallée industrielle d’El Battan El Medjerda -
Le seul Caid nommé en même temps à la tête de deux Caïdats stratégiques sur le
plan économique, celles de Djerba et de Bizerte – Portrait réalisé par le peintre orientaliste Eugène Delacroix
- Réf. ARTmedina-tounes.
Il a été taxé d’escroc, par l’histoire actuelle.
Et s’il en était la victime ? Les deux à la fois ?
Un bâtisseur et un richard qu’on voulait abattre à tous prix, avec son
mentor Ahmed 1er Bey (1837- 1855), pour des raisons de jalousie, de
pouvoir et de modernité.
Plutôt, un génie. Un dignitaire du Makhzen, les services administratifs
territoriaux de la régence beylicale. Un homme d’affaires cultivé, de grande
famille historique. Fils de l’armateur et corsaire Mohamed Ben Ayed.
C’est sur ce reflet relevant de la fiction
du complot, en contradiction avec l’Histoire « officielle », que
le présent cahier s’attarde si peu.
En ne s’arrêtant pas sur le fait incriminé de l’escroquerie, plusieurs
indices* militent pour un complot dépassant la propre personne de Mahmoud Ben Ayed (1805-1880). *Voir au paragraphe 03.01.03
Un complot pour écarter Ahmed 1er Bey (1837- 1855), dit le
Bey Sarde, le tolérant, ouvert aux religions, au Christianisme et au Judaïsme.
Un Bey cultivé, le plus grand réformateur politico-économique qu’a enfanté la
régence de Tunis.
Un complot dont Mahmoud Ben Ayed, le bras droit et l’homme de confiance
d’Ahmed 1er Bey, a su dévier juste à temps pour sauver sa propre
tête en se réfugiant en France en 1852. L’Histoire le qualifie toujours
d’escroc fuyard. S’il a pu sauver sa tête, il n’a pas pu malheureusement sauver
celle de son mentor le Bey lui-même «décédé» en 1855, de mort naturelle diront
la plupart. Ni celle de son bras droit technique, l’ingénieur Charles Benoit
assassiné juste avant en 1854.
Avec son sens des affaires, axé sur le développement économique de la
régence, une nuance à souligner, Mahmoud Ben Ayed a amassé une grande fortune,
de façon légale puisqu’il pratiquait le Fermage
(sous-traitance – Voir en Partie 03.04) des entreprises de l’Etat, une option
politico-économique légale. En faisant surement profiter son ami le Bey des
richesses récoltées.
Caïd et Général, incriminé d’escroc et sous la menace de mort, aucun
homme intelligent n’aurait déguerpi à l’étranger, le temps d’organiser sa
défense, sans prendre les mesures nécessaires pour assurer sa vie et celle de
sa famille. En transférant son argent et en se naturalisant par décret français
du 23 septembre 1852. Sa défense devant les tribunaux de Tunis et de France a
nécessité beaucoup de temps et d’argent. Elle a donné lieu, entres-autres, à un
arrêté favorable de Napoléon 3, mais culpabilisé en longueur dans la régence de
Tunis.
En fait, le tort incriminé à Mahmoud Ben Ayed a été sa modernité.
Celle-là même qu’il partageait avec Ahmed 1er Bey (1837-
1855) pour assurer le développement économique de la régence de Tunis au
diapason de la révolution industrielle en Europe, avec l’appui de la France de Louis Philippe 1er et de son
fils le Duc de Montpensier.
Culpabilisé non seulement de la part des conservateurs et des cheikhs,
mais également de la part de son propre père, entré en conflit avec lui à cause
de la création de la banque Al Amal
et surtout, à cause de son partenariat avec le juif tunisien, le Caïd Nassim Schemama, qui, selon Jean
Ganiage (18), le trahira en 1852 pour le pousser à l’exil et prendre sa place.
En quittant sa Tunisie pour la France, sa vision moderniste l’a bien
suivie et il l’a entretenue au sein de sa seconde famille. Une famille qui
s’est distinguée au début du 20ème siècle par la conférence de sa
fille Khayria présentée à Vienne en
langue Allemande et intitulée: «la femme
et la question de l’émancipation sociale dans le monde musulman au début du
XXème siècle». Une première pour le monde musulman et arabe. Une longue
conférence sur le thème du féminisme (conférence traduite en arabe en 116 pages
- ISBN 9789973084187) précédant d’une trentaine d’années l’évènement féministe
du 20ème siècle en Tunisie
provoqué par l’écrit de Tahar Hadad sur l’émancipation de la femme. Khayria Bint Mahmoud Ben Ayed enfantera
une autre grande féministe Nazli qui
répercutera la tradition moderniste de la famille entre Orient et Maghreb.
N’ayant pas eu gain de cause suite à ses plaintes contre Nassim Schemama
et ses neveux, appuyés par les Beys successifs Mohamed 2 (1855- 1859) et
Mohamed 3 Sadok (1859- 1882), qui lui ont extorqués ses biens, et sentant venir
les bouleversements de la colonisation française, Mahmoud Ben Ayed ne se
sentait plus en sécurité en France et a préféré s’exiler à İstanbul où il
mourût en 1880 entouré de ses enfants, dont ses deux fils qui épousèrent des
princesses égyptiennes de la dynastie de son ami et modèle le grand réformateur
Mohamed Ali.
On ne peut quitter Mahmoud Ben Ayed sans parler de sa
grandeur de vivre, que ce soit dans son pays natal ou celui d’accueil où il
s’appropria l’hôtel Collot sur le quai Anatole France à Paris, le château de
Bouges dans l’Indres ou encore la galerie Mandar (actuelle Galerie Kugel) situé
au 25 Quai d’Orsay, célèbre par le récit de Victor Hugo dans « Choses
vues » qui rapporte les évènements dramatiques qui y ont lieu en 1832
suite à l’enterrement du Général Lamarque et les émeutes réprimées dans le
sang.
Fig. 121 - Château de Bouges dans l'Indres acquis en 1856 par Mahmoud Ben Ayed, l'une de ses résidences en France après
son départ définitif de Tunisie en 1852– Réf. ARTmedina-tounes –
De belles résidences qui lui ont permis d’inviter et de côtoyer les plus
nobles d’Europe et du monde oriental, guidé toujours par cet esprit des
affaires et de création de richesses. Il ne sera ni le premier, ni le dernier
tunisien à fuir son pays natal pour des raisons de…réussite, de jalousie et de
rancunes.
»…
Monhel
ARTmedina-tounes
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