Photographe orientaliste de renommée mondiale, Rudolf Lehnert
est né en 1878 en Autriche. Mort en 1948 en Tunisie, son pays de cœur.
Figure 01 – Rudolf Lehnert (1878- 1948) et son appareil photographique
de haute technologie de l’époque - (Réf. ARTmédina-tounes; Cahier 01).
Sa technicité remarquable, il la détient grâce à sa formation dans
la première école de photographie au monde créée en 1888 à Vienne en
Autriche.
Il s’installe en 1904 à Tunis avec son associé Allemand Ernest Landrock
chargé de la gestion commerciale de leur entreprise photographique. Entre 1904
et 1914, il photographie la Tunisie, l’Algérie et la Lybie.
A la veille de la première guerre mondiale (1914-1918), il est
arrêté pour espionnage, emprisonné et ses œuvres confisquées, avant de se
retrouver réfugié en suisse durant la guerre.
En 1924, il s’installe avec son associé au Caire pour photographier
l’Egypte et la Palestine. Sa nostalgie et sa passion pour la Tunisie l’incita à
s’y réinstaller en 1930 pour ne plus la quitter jusqu’à sa mort en 1948 où il
est enterré au côté de son épouse au cimetière de Carthage.
Ses œuvres photographiques couvrent la ville arabe, les rues,
les souks, les oasis, les portraits et les métiers sous toutes ses formes dont
le plus vieux au monde.
Monhel les classe en deux
catégories: les «photos orientalistes identitaires» et les «photos
orientalistes de mise en scènes».
Les photos orientalistes identitaires
constituent un legs culturel et une référence historique de grande valeur pour
le patrimoine multiethnique de Tunisie. Une empreinte identitaire depuis la
deuxième moitié du 19ème siècle, coïncidant avec la naissance de la
photographie, jusqu’à la fin de la première moitié du 20ème siècle.
Des photos permettant de retrouver durant cette période les habits originaux des
différents groupes ethniques, leurs bijoux, les métiers, les ustensiles de
cuisine, l’architecture…
Figure 02 - Rudolf Lehnert – Bédouine sur carte postale portant
l’habit de la Melia de Tunisie, parée de ses bijoux typiques en argent:
- deux fibules rondes en argent liées par une chaine à trois
pendentifs, deux mains de Fatma et un rond lunaire, et un talisman
- Collier du raz du cou à trois chaines avec pendeloques à
chainettes
- Double foulards retenus avec une chaine au-dessus de la tête
dont les extrémités portent deux grandes boucles pendantes en face des oreilles
- Deux bracelets de main, de petite et moyenne largeur
La bédouine est assise sur un banc à coude couvert par une
couverture en laine, à côté d’une Charbia (gargoulette) à eau - Carte postale
867 de la marque LL: Lehnert et Landrock - (Réf. ARTmédina-tounes; Cahier 01).
Pour les photos orientalistes
de «mise en scène», non identitaires selon la distinction de Monhel, R.Lehnert
s’est avéré un scénariste hors pair en produisant une photographie érotique au
décor et aux personnages orientalistes.
Les photos de nus de R.Lehnert ont circulé sur cartes postales
dans le monde entier et se sont révélé un grand succès commercial. On dit
qu’elles ont été mises en scène avec des modèles professionnels issus de
maisons closes de Tunis, Alger ou Tanger. Toujours est-il qu’elles ont été
produites à but lucratif encouragées par la propagande colonialiste.
Rudolph Lehnert a été parmi les talentueux photographes orientalistes, à côté
de Joseph Geiser, Léon et Levy…, qui mettront en scène des berbéro-bédouines dénudées,
femmes et enfants, dont les photos à but lucratif serviront à garnir les cartes
postales de la France colonialiste. Une France qui a laissé faire lorsqu’il
s’est agi de groupes ethniques, musulmans et juifs, indigènes comme ils disent,
berbéro bédouines, filles et garçons. Une France qui ne l’a pas permis pour les
français chrétiens, filles et garçons… puritains.
Figure 03 - Rudolf Lehnert – Photo d’enfants complètement dénudés
– (ARTmedina-tounes)
La question la plus embarrassante a trait à la mise en scène d’enfants nus. Beaucoup
de critiques trouvent ces photos et ces cartes postales osées, provocantes, de haute qualité technique, mais aussi, offensantes à l’identité arabo-musulmane.
Figure 04 - Rudolf Lehnert – Chef d’œuvre photographique en noir
et blanc mettant en relief l’ombre d’une bédouine nue au centre de son Sefsari
à voile, à l’entrée du Ouist Ed Dar (Centre à ciel ouvert de maison typique
arabe) – Réf. ARTmedina-tounes -
Sans nul doute, Rudolf Lehnert est l’un des plus brillants
photographes orientalistes qui ont exercé en Tunisie et qui, par ses œuvres
notamment identitaires, a gravé une empreinte artistique multiethnique et inestimable
pour le patrimoine de la Tunisie lors de sa période orientaliste.
Figure 05 - Rudolf Lehnert – Photo d’enfant de bédouine dénudée
montrant la moitié du sein, parée de deux bracelets en argent à la main et de
Khors (Boucles d’oreilles) à tête de serpent aux oreilles fleuries – (ARTmédina-tounes).
Ses cartes postales sont reconnues par la marque L.L, initiales
de Lehnert et son associé Landrock, à ne pas confondre avec la célèbre marque plus
ancienne L.L de Léon et Levy installés en France.
Figure 06. - Rudolf Lehnert – Photo de type identitaire, selon la classification de Monhel,
montrant un tunisien en habit traditionnel et accessoires typiques:
- Djebba de couleur
ocre en tissu Stakrouda (Lin), brodée de motifs Naouaras (double motifs de
fleur ronde placés en position de poitrine) en fil de coton vert olive, au-dessus
d’une chemise blanche et couverte à
moitié par un Burnous (Cape) en
laine blanche porté sur les épaules
- Chechia rouge sur
la tête enroulée par une Kechta (multitude
de fils tressés en laine blanche) –
-Fleur Kronfol rouge et un Mechmoum en Jasmin blanc retenus par
la Chechia au-dessus des oreilles -
Réf.Carte postale LL 530 de Lehnert et Landrock (ARTmédina-tounes).
Aujourd’hui, la cote artistique de R.Lehnert est sans cesse
croissante. Ses photos traduisent la haute qualité technique du photographe et du
metteur en scène. Outre l’aspect technique des photos de R.Lehnert, leur
contemplation apporte pour beaucoup, de la passion et du rêve bienfaisant,
nostalgique.
Loin des polémiques causées par l’utilisation des photographies
de nus entreprises à une époque donnée, faisant partie de l’Histoire, les
œuvres orientalistes, photos et peintures, pourraient constituer une formidable
plateforme de communication artistique et culturelle entre les deux rives de la
méditerranée, de retombées culturelles et économiques rentables pour la Tunisie
diverse et multiculturelle.
Figure 07 – Photo de tunisienne juive aux seins nus, portant la
coiffe triangulaire de symbolique juive au-dessus de la tête - Réf. Carte
postale orientaliste anonyme (ARTmedina-tounes).
Ceci est pour l’aspect technique et de promotion du patrimoine.
L’aspect négatif, à classer, mais à ne point oublier, est le mal causé aux groupes ethniques des berbéro bédouins, musulmans
et juifs, dits indigènes, vulnérables par la pauvreté économique subie et
favorisée par la France colonialiste.
Figure 08 – Rudolph Lehnert – Photo d’enfant berbéro-bédouine, complètement
nue, parée uniquement de ses bijoux typiques en argent:
-Collier en argent de poitrine avec un rond massif ouvert à
chainettes et pendeloques
- Collier en agent du raz du cou à chainettes et pendeloques à
moitié caché par un autre collier à perles
– Bracelets de moyenne largeur aux mains
– Khors (Boucle d’oreilles) retenu sur les cheveux –
La musicienne brandit entre ses deux mains le Tar (outil de musique arabe constitué
de la peau de chameau étirée et retenue par un rond cylindrique en bois fin d’épaisseur
environ 10 cm, troué 5 fois en positions hexagonales; chaque trou retenant 2 à
3 ronds en cuivre, permettant de provoquer au moindre mouvement le son
caractéristique du Tar – Réf. Carte postale de R.Lehnert - (ARTmedina-tounes).
Le reproche à ces talentueux photographes et peintres
orientalistes est d’avoir profité de la misère des gens pour les dénuder à but commercial et de
prostitution, surtout lorsqu’il s’est agi d’enfants, en contradiction avec les
concepts de leur culture et en bafouant leur dignité, leur respectabilité. Aidés en cela par l’effet pervers du colonialisme et sa propagande.
Les dénuder pour vendre leur chaire sur les cartes postales
partout dans le monde, en leur incrustant en même temps une image de marque
irrémédiable de miséreux, au su et vu des autorités coloniales qui laissaient
faire lorsqu’il s’est agi « d’indigènes ». Des actes de nudité et de
prostitution plus que condamnable lorsqu’il s’agit d’enfants.
Figure 09 - Rudolf Lehnert – Photo d’enfant à moitié dénudé - (ARTmédina-tounes).
Justement, c’est contre l’oubli, pour que cela ne se reproduise
plus, qu’il faudrait constamment remémorer ces actes bafouant la dignité et la
respectabilité d’autres groupes ethniques, petits ou grands, qui, à un moment
donné de l’Histoire, malgré leur passé glorieux, se sont retrouvés vulnérables.
Ce qui s’est passé avec les enfants des berbéro bédouins dénudés
sur les cartes postales, tout comme les groupes ethniques africains montrés
dans des cages à zoo à Vincennes sous les autorités coloniales françaises, est
de la même ampleur intentionnelle de ce qui s’est passé avec le groupe ethnique
juif qui a subi la même indignité et, circonstances aidant, le plus pire jusqu’à
l’extrême horreur de l’holocauste.
Figure 10 – Photo de femmes et enfants dénudés et exposés sur la Revue Voila du 16 Janvier 1932, avec comme slogan révélateur« Comme il vous plaira - Vierges noires de Djibouti » - (ARTmedina-tounes)
Dans ses cahiers artistiques ARTmedina-tounes n°01 et n°02, intitulés:
«La fibule berbère, la Melia et le vœu de la paix» et «Les Tabarquins et le
corail rouge de Tunisie», publiés en 2015 et en 2017 et distribués sur
Amazon.fr, l’auteur demande* aux autorités françaises qu’il est temps de présenter des excuses officielles aux
groupes ethniques colonisés, femmes et enfants, pour le mal causé par la France
colonialiste en laissant publier leurs photos nus sur les cartes postales
françaises.
Car, sans excuses, nul pardon.
«Contre l’oubli, pour le pardon» est le slogan affiché dans les
cahiers artistiques suscités de l’auteur qui renouvelle par la présente sa
demande* à qui de droit pour que la France, le pays de la déclaration des
droits de l’Homme, fasse le geste noble de s’excuser pour les torts subis par les
berbéro bédouins et les dits indigènes, maltraités et offensés dans leur
dignité.
Le « Contre l’oubli » sera toujours dans nos mémoires et
le doigt toujours pointé sur l’Hexagone colonialiste pour que l’infâme
indignité ne se reproduise plus.
Nous avons parlé de la manipulation malsaine à travers les cartes
postales française de nus des berbéro-bédouins, femmes, hommes et enfants.
Nous n’avons pas encore parlé des objets d’Arts détournés par la
France colonialiste et toujours exposés dans ses musées, sans honte et sans
dignité.
Monhel
ARTmedina-tounes
Copyright
*Lors de la visite d'Emmanuel Macron à Tunis en 2018, et toujours
dans sa démarche de «Contre l’oubli, pour le pardon», l’auteur a renouvelé sa demande
par mail au cabinet présidentiel de l’Elysée et à l’Ambassade de France à Tunis,
restée toujours sans réponse.